Retraites : ce qui va changer pour les fonctionnaires

Revue de Presse

Source : lagazettedescommunes.com (18 juillet 2019)

A quelle sauce seront croqués les fonctionnaires ? Le haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye a remis le 18 juillet un rapport de 132 pages au Premier ministre, Edouard Philippe, sur sa vision du futur système de retraite universel et qui doit servir de base à la rédaction d’un projet de loi.

Ce rapport entre dans le détail des spécificités appelées à être supprimées, modifiées ou créées pour les fonctionnaires.

Un calcul de la retraite sur toute la carrière au lieu des six derniers mois

Fini le calcul de la retraite sur les six derniers mois, qui venait couronner des carrières linéaires et ascendantes dans la fonction publique. Pour plus d’équité par rapport aux salariés du privé et parce que les itinéraires professionnels sont plus complexes qu’autrefois, ce calcul se fera sur l’ensemble de la carrière pour tous les Français. Cela signifie que chaque euro cotisé donnera les mêmes droits à tous. Ces droits consisteront en un nombre de points, dont la somme permettra, in fine, de calculer la pension.

L’intégration des primes dans l’assiette de cotisation

Jean-Paul Delevoye l’avait annoncé dès le début de la concertation, il le confirme ici  : les primes des fonctionnaires seront prises en compte dans le calcul de leur retraite. Le taux de cotisation sera le même dans le public que dans le privé  : 28,12%, avec une répartition employeur-employé fixée à 60%-40%.

Mais pour que le passage à une assiette de cotisation élargie ne soit pas trop rude pour les agents publics, une concertation spécifique fixera les modalités d’une transition, prévue sur 15 ans. De même en sera-t-il pour les contractuels de la fonction publique, dont les taux de cotisation (employeurs comme agents) à l’Ircantec sont actuellement réduits.

Au sein de cette cotisation de 28,12%, seuls 90% ouvriront des droits pour la retraite. Les 10% restants serviront à financer les dispositifs collectifs de solidarité prévus dans le nouveau système  : les périodes de maternité, chômage, maladie ou invalidité ouvriront en effet des droits à la retraite, ce qui n’est actuellement pas le cas.

Une majoration dès le premier enfant

Le système préconisé par Jean-Paul Delevoye à titre de bonus pour enfant s’avère plus favorable au système existant actuellement dans le public, «  en tout cas pour les deux premiers enfants », précise-t-on dans l’entourage de Jean-Paul Delevoye. Cette majoration de points sera de 5% dès le premier enfant, voir plus au-delà de deux. Ce bonus pourra être partagé entre les parents ou, à défaut, sera attribué à la mère.

L’incitation à travailler au-delà de 62 ans

Alors que la Drees vient de pointer qu’en 2016, une majorité de fonctionnaires liquidaient leur carrière à 60 ans, Jean-Paul Delevoye assume la proposition que 62 ans ne soit qu’un âge minimum de départ  : « Le système universel incitera au prolongement de l’activité », écrit-il dans son rapport.

Pour ce faire, il préconise un système de décote et de surcote avant et au-delà de 64 ans.

Sachant que l’atteinte du taux plein déclenche actuellement, très souvent, la liquidation, le Haut-commissaire associe encore ce terme à l’âge de 64 ans, bien que la notion de taux plein n’ait plus de sens dans un système à point. Le principe reste le même  : il s’agira de l’âge auquel les assurés atteindront le taux de rendement maximal, soit 5,5%.

Ce pivot à 64 ans est fixé pour la génération 1963, qui sera la première concernée, mais cet âge pourra changer au gré de l’augmentation de l’espérance de vie de la population française. Sans doute faudra-t-il évoquer une limite.

Enfin, toujours pour favoriser l’activité, la possibilité d’une retraite progressive sera instaurée. Les cotisations versées dans le cadre d’un cumul travail-retraite ouvriront aussi le droit à des points, permettant ainsi d’augmenter sa pension.

L’extinction des «  catégories actives »

Le rapport de Jean-Paul Delevoye appelle à «  l’extinction progressive » des dérogations qui permettent actuellement aux personnes exerçant des métiers de «  catégories actives » de partir à 52 ou 57 ans. Dans la fonction publique territoriale, c’est le cas, par exemple, des égoutiers ou encore de certains agents techniques. Cette «  extinction » se fera de manière progressive sur 15 ans, avec un âge d’ouverture des droits relevé de 4 mois par génération.

«  Mais tous les agents de catégories actives ayant 17 ans de service – soit environ la moitié des personnes concernées par le dispositif – conservent leur droit à un départ anticipé », rassure l’entourage de Jean-Paul Delevoye.

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Pour les autres, le Compte personnel de prévention (C2P), déjà mis en place dans le privé, est étendu au public. Une concertation spécifique doit simplement s’engager pour adapter les seuils prévus pour entrer dans ce dispositif aux métiers de la fonction publique  : le nombre de 120 nuits travaillées dans l’année, par exemple, est peut-être à moduler, tout comme la plage horaire définissant la «  nuit ».

Les personnels exerçant des métiers dangereux, dans le cadre de missions régaliennes – comme les policiers municipaux et les sapeurs-pompiers professionnels -, gardent, eux, leur droit à un départ anticipé, dans les mêmes conditions qu’actuellement.

Les départs anticipés pour carrière longue sont également conservés.

La fin de la retraite pour invalidité

Le droit à la retraite pour invalidité, qui existe actuellement pour les fonctionnaires, conduit «  à verser de très petites retraites à des âges précoces », regrette Jean-Paul Delevoye. Il souhaite qu’une concertation spécifique s’engage sur la pension d’invalidité à attribuer aux personnes concernées, pension qui leur permettra, par ailleurs, d’acquérir des points retraite, sur la base de leurs dix meilleures années d’activité.

Quant à la retraite pour incapacité permanente, qui existe pour les salariés du privé et les assurés des régimes agricoles, elle est étendue aux les fonctionnaires. Ce dispositif donne droit à une liquidation à 60 ans aux personnes en incapacité à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, sous certains conditions.

Autant de sujets – et bien d’autres encore – propres à la fonction publique, que les organisations syndicales auraient aimé aborder avec Jean-Paul Delevoye avant la publication du rapport. Leur intersyndicale a envoyé ce 18 juillet à Olivier Dussopt, un courrier de relance de leur demande, faite le 28 juin dernier, d’une rencontre avec le haut-commissaire en Conseil commun de la fonction publique. Une instance dont Jean-Paul Delevoye estime pourtant qu’elle aura son rôle à jouer dans la gouvernance du futur système, puisqu’il propose qu’elle nomme des représentants qui siègeront à la «  caisse nationale de retraite universelle ».

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  • Téléchargez le rapport sur la réforme des retraites et ses annexes (lien cassé : reforme-retraite.gouv.fr/la-reforme/article/preconisations-pour-un-systeme-universel-de-retraite)

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Trois cas-types gagnants

Le rapport de Jean-Paul Delevoye propose des simulations sur des cas-types. «  Ils n’ont pas de lien avec ceux du Comité d’orientation des retraites, explique-t-on dans l’équipe du Haut-commissaire. Nous avons conçus nos propres cas-types, à partir de situations réelles et fréquentes ».

Trois cas-types de fonctionnaires sont proposés  : un attaché d’administration (page 128 du rapport), un secrétaire administratif (page 129) et un adjoint administratif (page 130). « Même celui qui a peu de primes n’est pas perdant… », pointe l’équipe.