« Une taxe robot serait une usine à gaz pour les entreprises »

Revue de Presse

Source : lefigaro.fr (21 mai 2020 )

L’idée d’une taxe sur les robots n’est pas nouvelle. Elle a été émise en 2017 par l’eurodéputée luxembourgeoise socialiste Mady Delvaux avant d’être reprise à son compte par Benoît Hamon lors de la campagne présidentielle de 2017 et, plus récemment, par Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la famille de 2012 à 2014 et l’essayiste Mehdi Ouraoui. Soyons clair, la taxe robots relève du dogmatisme fiscal et, pour cette raison, doit être rangée parmi les fausses bonnes idées du concours Lépine fiscal permanent. Le pragmatisme fiscal conduit à lui préférer la micro-taxe sur les transactions électroniques.

La taxe robots repose sur un postulat qui voudrait que l’intelligence artificielle en général et les robots en particulier soient destructeurs d’emplois. La substitution de l’intelligence artificielle et la robotique créeraient de la richesse ou de la valeur ajoutée qui profiterait aux actionnaires au détriment des salariés. La taxe robots permettrait de financer un revenu universel destiné à compenser la raréfaction du travail consécutive à son automatisation par un logiciel ou un robot.

Des nouveaux emplois afférents à la conception, à la programmation, la distribution, l’entretien et la protection des machines et logiciels.

Pour séduisant qu’il puisse être, ce postulat est en réalité erroné. La digitalisation de l’économie et la robotisation de l’emploi menaceraient 2,1 millions d’actifs français (étude Institut Sapiens, 2018). Les emplois les plus menacés sont ceux de la banque, de l’assurance, de la comptabilité, les secrétaires bureautiques et de direction, les ouvriers de la manutention, les caissiers et les employés de libre-service. Mais il s’agirait d’un phénomène de destruction créatrice dans la mesure où l’intelligence artificielle et la robotisation devraient créer davantage d’emplois qu’elles n’en détruiront. Cela s’explique par le besoin d’emplois afférents à la conception, à la programmation, à la distribution, à l’entretien et à la protection des machines et des logiciels. Dans le même ordre d’idées, la densité robotique – c’est-à-dire le nombre de robots industriels pour 10 000 employés – est de 309 unités en Allemagne contre seulement 132 en France. Mais il n’en demeure pas moins qu’en 2019 le taux de chômage de était de 4,9 % en Allemagne et de 8,1 % en France.

Techniquement, une taxe robot serait une usine à gaz dont seule la France a le secret. Une telle taxe s’ajouterait aux impôts de production qui sclérosent les entreprises françaises (cotisation foncière des entreprises, taxe sur les salaires, taxes sur les véhicules de sociétés, …). Il convient de rappeler qu’en 2018 ces impôts ont rapportés plus de 75 milliards d’euros et l’impôt sur les sociétés 29 milliards. Sachant que la valeur ajoutée produite par les robots aux entreprises est déjà taxée par la « Taxe sur la valeur ajoutée» (TVA) et par la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. La taxe sur les transactions électroniques serait répercutée par les entreprises et nuirait ainsi à leur compétitivité. La France deviendrait davantage un repoussoir fiscal, amenant les entreprises à se délocaliser et dissuadant les entreprises étrangères de s’y impanter. Cela conduirait à déterminer à partir de quel stade une machine ou un logiciel est suffisamment intelligent pour remplacer un être humain. Par exemple, une voiture autonome est nettement plus complexe qu’un monnayeur automatique mais ils ont été tous deux conçus pour répondre à des besoins spécifiques. Au regard de ces besoins, leurs intelligences respectives ne sont pas comparables.

En France, la solution à chaque difficulté passe par la création d’un nouvel impot.

Au final, la taxe robots est un réflexe pavlovien français qui fait que la solution à chaque difficulté passe par la création d’un nouvel impôt. Dans un monde ouvert, la taxe robot – au même titre que la taxe GAFA franco-française – ferait figure de ligne Maginot. Les vrais enjeux sont ailleurs. S’il est encore temps, la France doit anticiper la formation de techniciens capables de répondre aux besoins du développement de l’intelligence artificielle et de la robotique. Par ailleurs, en dépit des postures politiciennes, la France n’a pas connu de rupture fiscale depuis 1981, signe d’un phénomène de persistance dans les erreurs qui sape chaque jour davantage le consentement à l’impôt. La crise du covid-19 rend encore plus urgente la refonte de notre système fiscal qui est à bout de souffle. L’une des pistes serait de remplacer tous les prélèvements perçus au profit de l’État (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, TVA, taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, droits d’enregistrement, …) par une micro-taxe de 0,5 % sur les transactions électroniques.

À elle-seule, cette micro-taxe pourrait doubler les recettes fiscales de l’État, lui procurant ainsi les moyens de commencer à résorber sa dette. La micro-taxe sur les transactions électroniques répond aux défis du XXIe siècle et permettrait de redonner véritablement du pouvoir d’achat à tous les Français, voie de faire de la France un paradis fiscal. Sa simplicité fait qu’elle limite les risques de fraude fiscale et d’évasion fiscale. Accessoirement, son universalité permettrait aux entreprises françaises de faire jeu égal avec les GAFA en matière fiscale.