La Croisicaise Michèle Arnaud raconte l’enfer France Télécom

Revue de Presse

Source : labauleplus.com (10 juin 2020 )

Michèle Arnaud, qui habite au Croisic, vient de publier son treizième livre, dans lequel elle relate son expérience de cadre à France Telecom : « Censurée. L’enfer France Télécom ». En effet, elle était en poste au moment de la privatisation et elle raconte comment les cadres ont été poussés à bout : « J’ai fait le deuil de mon éviction, mais cela n’a pas été la même chose pour tout le monde. J’ai attendu longtemps avant de pouvoir en parler. Le procès des responsables de France Télécom a relancé ma mémoire et ma maison d’édition m’a proposé d’écrire un témoignage sur ce passage. Le niveau de lecture peut se situer sur trois plans. Le premier, c’est le parcours au sein de France Télécom et les procédés inhumains de restructuration. Le second, c’est la difficulté pour une femme cadre d’être acceptée dans un milieu masculinisé. Le troisième plan porte sur les répercussions sur la vie personnelle de nos choix professionnels ». Michèle Arnaud a atteint le grade d’inspectrice principale : « J’ai passé des concours qui nécessitaient des études et un déplacement géographique. C’était un choix de vie. J’étais une femme carriériste et je voulais progresser dans l’entreprise. Je suis aussi une féministe, c’est mon éducation, et cela a également guidé mes choix. Il y avait trois possibilités de gravir les échelons : attendre confortablement dans son fauteuil et être promu par l’ancienneté, le concours interne qui nécessitait beaucoup de temps, et le concours externe qui nécessitait un certain niveau d’études ».

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Le social, un secteur non productif…

Cependant, comme elle travaillait dans le social, son secteur n’était pas productif pour l’entreprise : « J’étais responsable des services sociaux pour l’Ouest. Il y avait ce que l’on appelait les schémas de courbe de deuil : c’est plusieurs étapes pour essayer de pousser sans douleur les indésirables vers la sortie. Mais certains ne l’ont pas accepté et n’ont pas pu survivre. Au départ, on leur annonçait qu’ils allaient devoir changer de poste, parce que leur poste n’était plus adapté. Ensuite, on leur proposait de s’adapter à des nouveaux postes. Mais les personnes étaient totalement déphasées et elles perdaient toute satisfaction du travail. Si elles ne s’adaptaient pas, on les mettait en congé maladie, qui débouchait sur un congé de longue durée. Et, ensuite, on les acculait à la porte de sortie ».

Il n’y a plus d’amitié.

Le livre s’intitule Censurée : « Censurée, parce que j’ai été condamnée pour ce que j’ai fait, parce que j’ai voulu placer l’humain au sein de mon service et ce n’était pas bon dans ce contexte. J’ai développé de nombreux services en créant des centres aérés, des centres de vacances, en donnant un accès plus libre aux femmes aux bibliothèques et aux cinémas. Mais ce n’était pas ce que voulait l’entreprise à ce moment-là. D’ailleurs, La Poste a suivi peu de temps après… » Michèle Arnaud décrit un univers impitoyable : « Il n’y a plus d’amitié et les gens sur lesquels on pensait pouvoir compter se révèlent sous un autre jour. On n’est pas loin de la traîtrise. J’ai été déçue, parce que je paraissais admise dans le groupe en tant que femme, parce que j’étais l’une des seules femmes cadres. Je pensais pouvoir compter sur des amitiés lorsque l’on a annoncé l’arrivée du coupeur de têtes. Comme je gérais des services sociaux, j’étais en première ligne, mais j’ai eu affaire à un coupeur de têtes qui privilégiait les hommes ». Son ouvrage déborde du simple cas de France Télécom, car Michèle Arnaud a aussi voulu témoigner « de la difficulté d’être femme et cadre dans une institution masculinisée ». Aujourd’hui, quand on lui parle du monde d’après, elle craint que celui-ci ne soit encore plus implacable : « Malheureusement, la compétitivité va être poussée à l’extrême. Je me révolte contre ce système et je me révolte aussi en tant que femme. »

« Censurée. L’enfer France Télécom » de Michèle Arnaud est publié aux Éditions Évidence.