Une entreprise veut imposer illégalement le pass sanitaire à ses salariés

Revue de Presse

Source : liberation.fr (9 septembre 2021 )

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La procédure d’acquisition de la nationalité française avait été allégée en septembre 2020 pour certains métiers qui sont restés très mobilisés pendant la pandémie.

L’entreprise de téléassistance Blulinea a annoncé lundi que ses salariés sans pass sanitaire seraient soumis à une suspension de salaire à compter du 1er octobre. Une mesure jugée illégale selon l’avocate en droit du travail, Michèle Bauer.

En matière de pass sanitaire, le zèle des entreprises qui voudraient l’imposer en dehors du cadre légal peut être sévèrement sanctionné. (Pascal Pochard/AFP)

Certaines entreprises rechignent encore à exiger de leurs salariés le pass sanitaire, devenu obligatoire le 30 août, pour les personnes qui travaillent dans les lieux où il est déjà demandé aux clients et usagers. Et puis il y a Bluelinea. Une société spécialisée dans l’aide à la personne en téléassistance, est volontaire pour en être. Bien que la firme basée à Saint-Quentin-en-Yvelines (Yvelines) ne reçoive pas de public, un communiqué adressé à la presse ce lundi annonçait qu’à compter du 1er octobre, le pass sanitaire serait obligatoire pour son personnel. Les employés qui refuseraient de se soumettre à cette réglementation s’exposent à une suspension de salaire.

Sur la centaine de salariés, près de 10% ne sont pas encore vaccinés, selon Laurent Levasseur, président cofondateur de Bluelinea. « Le pass sanitaire est obligatoire dans les lieux qui reçoivent du public, pour toutes les activités de loisir (cinéma, piscine…) et pourtant il ne l’est pas pour les activités obligatoires comme aller travailler», a-t-il fait valoir auprès de l’AFP. Le pass s’impose actuellement à 1,8 million de salariés en contact avec du public.

Décision illégale

Cette décision est « complètement illégale», gronde pour sa part l’avocate spécialisée dans le droit du travail Michèle Bauer, qui dénonce un « excès de zèle». Selon la juriste spécialiste de la défense des salariés et employeurs, l’application d’une telle mesure se heurterait à deux principes du droit du travail. La sanction pécuniaire que représenterait une potentielle suspension de salaire (article L1331-1 du code du travail), d’une part. Puis le principe de discrimination « en raison de son état de santé», interdite par l’article L1132-1, d’autre part. Dans un tweet, l’avocate alerte la société : « Demander le pass sanitaire pour accéder à des lieux, des établissements, services ou événements autres que ceux mentionnés dans la loi (loisirs, foires, activités de restauration…) est sanctionnable pénalement de un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende.»

Le ministère du Travail abonde « concernant Bluelinea, cette entreprise est dans l’illégalité. La loi du 5 août est très claire sur le périmètre d’application du pass sanitaire et des sanctions».

« J’ai souhaité qu’on soit irréprochable», plaide de son côté le dirigeant de Bluelinea, « persuadé que d’ici quelque temps, il y aurait un élargissement du pass sanitaire» à d’autres secteurs professionnels. Le patron invoque l’obligation faite aux entreprises de protéger la santé et la sécurité de ses salariés.

Pourtant, l’avocate le rappelle, la loi prévoit que depuis le 30 août et jusqu’au 15 novembre 2021, « salariés, bénévoles, prestataires intérimaires, sous-traitants qui interviennent dans les lieux, établissements, services ou évènements où le pass est demandé aux usagers doivent présenter leur pass sanitaire à l’employeur». Ce qui ne concerne donc pas les entreprises, comme Bluelinea, qui peuvent mettre en place un protocole sanitaire aussi strict que nécessaire pour protéger ses salariés, à l’inverse des lieux de loisir comme les restaurants.

« Si l’annonce est bien appliquée, les salariés ont la possibilité de saisir le conseil des prud’hommes afin de solliciter dommages et intérêts, ainsi qu’un rappel de salaire pour procédure abusive», souligne Me Bauer.

En attendant, les service du ministère du Travail ont pris contact avec l’entreprise pour l’avertir qu’elle ne pouvait pas procéder ainsi. « En aucun cas l’entreprise ne peut suspendre ses salariés à ce motif», ont-ils mis en garde.