Démarcheurs téléphoniques : « Avec les cadences, c’était un travail de robot »

Revue de Presse

Source : ladepeche.fr (12 septembre 2021 )

Ils sont ceux qui vous font perdre patience. Les démarcheurs téléphoniques, souvent en contrat précaire, témoignent, eux aussi, de la pression du métier.

‘On devait passer jusqu’à 200 appels par heure’. Nicolas G. a travaillé pour un centre d’appels pendant un an. Alarmes, fosse septique… durant un an, ce Bordelais d’origine a prospecté pour différentes agences. À chacune ses exigences. ‘Pour les alarmes, la campagne était hyper violente avec une forte pression des chiffres. Il ne fallait pas lâcher, insister auprès des clients avec un script anxiogène. Les clients d’ailleurs étaient visés : des personnes âgées, vulnérables’, témoigne le trentenaire.

Si Nicolas G. savait que les appels qu’il passait n’étaient jamais bien accueillis, tendaient parfois au harcèlement, il gardait une certaine distance pour pouvoir continuer à bosser : ‘J’arrivais à faire la part des choses, surtout quand on m’insultait. Il ne fallait pas s’impliquer dedans et on nous le disait en arrivant : ‘ne le prenez pas personnellement, ils s’attaquent à l’entreprise, pas à vous’. De toute manière, avec la cadence, les objectifs à tenir, c’était un travail de robot, on ne réfléchissait pas.’

‘Un mois de travail, c’était 4 mois en ressenti’

Cet enchaînement des tâches a marqué Ariane S. Cette Toulousaine qui a été démarcheuse téléphonique l’été en job étudiant se souvient du rythme : ‘Un mois de travail, c’était 4 mois en ressenti. Les numéros s’enchaînent tout seul, on n’avait pas de répit à part 10 minutes de pause le matin et une l’après-midi. On sait qu’on embête les gens, mais on est trop dans le ‘truc’, on enchaîne…’

Si la pression du chiffre, elle ne l’a pas vécu comme Nicolas G., elle a découvert l’esprit de compétition crée par le management. ‘Ils affichaient les meilleurs résultats pour motiver les plus lents ou plus faibles. Ils nous mettaient, sans le dire, en compétition constante. Il y avait aussi des concours pour gagner des cadeaux pour qu’on travaille encore plus’, se rappelle l’étudiante en commerce. 

‘À 12 heures, j’avais une discussion avec mon chef. À 13 heures, j’étais viré et blacklisté de l’entreprise’

À la pression du travail et la robotisation des tâches s’ajoute pour ces démarcheurs la précarité de la fonction. ‘J’ai été en contrat d’une semaine pendant un an. Cela nous obligeait à travailler toujours plus par peur de se retrouver sans rien le lundi suivant. La période d’essai était en plus de trois jours sur les cinq que compte la semaine’, se remémore Nicolas G loin maintenant du démarchage.

En désaccord avec son manageur, l’ancien démarcheur se fait virer, un mercredi, dernier jour de sa période d’essai de la semaine après un an dans les murs du centre d’appels. ‘À 12 heures, j’avais cette discussion avec mon chef. Elle était cordiale, je soulevais simplement un problème. À 13 heures, j’étais viré et blacklisté de l’entreprise. C’était hyper violent…’ raconte-t-il encore amer 10 ans après. 

Ariane, elle, avait signé pour un mois via une agence d’Interim mais ni le salaire, ni l’ambiance ne justifiaient de se lever tous les matins. ‘J’essaie de voir le positif de cette expérience, de me souvenir des personnes agréables que j’avais au téléphone de temps en temps, mais sincèrement, c’était dur.