Télétravail : forte incitation mais pas d’obligation

Revue de Presse

Source : journaldunet.com (6 décembre 2021 )

A l’issue du conseil sanitaire du 6 décembre, le Premier ministre a demandé aux entreprises de mettre en place deux à trois jours de télétravail par semaine quand c’est possible. Si les entreprises ne jouent pas le jeu, le gouvernement pourra prendre des mesures plus fortes.

Augmenter le télétravail, sans passer par la contrainte, tel est le pari du gouvernement. A l’issue d’un conseil sanitaire, le Premier ministre s’est exprimé avec le ministre de la Santé sur les différentes mesures pour faire face à la crise. ‘Il faut que toutes les entreprises qui le peuvent et qui ne le font pas encore mettent en œuvre le télétravail’. Pour le Premier ministre, ces entreprises devraient mettre en place deux à trois jours de télétravail par semaine quand c’est possible. Il a indiqué que dans la fonction publique d’Etat, jusqu’à trois jours hebdomadaires seraient possibles. Mais si le gouvernement veut éviter la contrainte, il ne l’exclut pas pour autant : Jean Castex a prévenu que si les entreprises ne jouaient pas le jeu, le gouvernement prendrait des mesures plus fortes. Au-delà du télétravail, le Premier ministre a aussi fortement recommandé d’éviter les réunions physiques, et surtout de renoncer aux événements festifs en entreprise, telles que les fêtes de fin d’année. ‘Des règles claires seront édictées pour le milieu professionnel, y compris pour les cérémonies de vœux’, a-t-il ainsi annoncé.

De son côté, le conseil scientifique s’était prononcé pour une nouvelle généralisation du télétravail dans son dernier avis en date du 20 novembre. Mais la ministre du Travail a incité au télétravail tout en estimant que la situation était différente de celle de l’automne 2020, notamment en raison de la proportion extrêmement importante d’adultes vaccinés. Ainsi, une obligation du retour au télétravail total ou partiel quand c’est possible n’est pas prévue dans le nouveau protocole sanitaire en entreprise.

Les syndicats ainsi que le patronat ne sont de leur côté pas favorables au télétravail à temps complet obligatoire. Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, est même allé jusqu’à affirmer la semaine dernière lors d’une réunion en Bretagne ‘On ne va pas se mentir, le télétravail, c’est un peu la glande’, des propos rapportés par Le Télégramme (des propos ensuite corrigés en ‘Pour certains salariés qui ne peuvent pas télétravailler, l’image du télétravail, c’est un peu la glande !’).


Le télétravail est-il obligatoire ?

Le télétravail est-il obligatoire ? La question s’est posée durant le premier confinement et à partir d’octobre 2020, quand le gouvernement a demandé à systématiser le télétravail. Réponse : pas au sens de la loi. ‘Seule une disposition législative impérative pourrait rendre le télétravail obligatoire mais la portée d’une telle mesure devrait être relativisée. En pratique, toutes les fonctions ne peuvent pas être réalisées en télétravail et, pour un fonctionnement optimal, la présence de certains est parfois indispensable. Dès lors, dans le cadre de son pouvoir d’organisation, l’employeur conserve nécessairement une marge d’appréciation dans les modalités de mise en œuvre du télétravail’, explique Vincent Manigot, avocat au département droit social du cabinet De Pardieu Brocas Maffei. Toutefois, selon l’avocat, l’employeur, qui rappelons-le est responsable de la sécurité de ses salariés, risque gros s’il ne généralise pas autant que faire se peut le télétravail dans son entreprise  : ‘L’employeur qui déciderait de ne pas mettre en œuvre le télétravail, lorsque cela est possible, pourrait voir sa responsabilité engagée pour un manquement à son obligation de sécurité, s’il est établi qu’il n’a pas mis en place un protocole sanitaire adéquate et que ses salariés ont été exposées à une situation de danger qui pouvait être évitée’.


Télétravail et coronavirus : ce qu’il faut savoir

Au plus fort de la crise du coronavirus et durant les différents confinements, le télétravail a été fortement encouragé par le gouvernement, qui déclarait que le télétravail devait être privilégié dès que c’était possible. Au 9 juin 2021, la règle a été assouplie, avec la possibilité de faire revenir les salariés quelques jours par semaines. Depuis le 10 septembre 2021 et le nouveau protocole sanitaire, il n’y a plus aucune obligation de recourir au télétravail. Les employeurs peuvent tout à fait faire revenir leurs salariés à temps complet dans leurs locaux, même si une partie de leur travail pourrait être réalisée à distance. Le 6 décembre 2021, le Premier ministre a cependant fortement encouragé les entreprises à remettre en place le télétravail dès que c’était possible.

Le protocole sanitaire en entreprise rappelle cependant que ‘le télétravail est un mode d’organisation de l’entreprise qui peut participer à la démarche de prévention du risque  d’infection au SARS-CoV-2 et permettre de limiter les interactions sociales aux abords des lieux de travail et sur les trajets domicile  travail’. Cependant, c’est désormais aux employeurs, dans le cadre du dialogue social, de définir les modalités de cette organisation. Dans cette optique, ils peuvent s’appuyer sur l’accord national interprofessionnel (ANI) du 26 novembre 2020 sur la mise en œuvre du télétravail. Le ministère du Travail encourage d’ailleurs toutes les entreprises à élaborer leur propre charte sur le télétravail, pour avoir un référentiel clair sur lequel se baser.

Les personnes vulnérables qui ne peuvent ni recourir au télétravail ni bénéficier de certaines mesures de protection renforcées sur leur lieu de travail ou sur leur trajet domicile-travail peuvent bénéficier du chômage partiel. 


Télétravail et coronavirus : l’employeur peut-il refuser le télétravail ?

Depuis que le télétravail n’est plus la norme dans le protocole sanitaire en entreprise, les employeurs peuvent tout à fait exiger que tous leurs salariés soient présents en permanence dans leurs locaux, et donc leur refuser le télétravail. Mais, tout comme ils devraient également le faire en temps normal, ils ont l’obligation de motiver ce refus. Dans le secteur public, un accord cadre prévoit une possibilité de trois jours de télétravail par semaine.

Entre le premier et le second confinements, la situation était indique : l’employeur avait légalement la possibilité de refuser le télétravail à un salarié, s’il estimait que les conditions de reprise d’activité étaient conformes aux consignes sanitaires sur le lieu de travail décrites dans le protocole national de déconfinement. 

A partir du deuxième confinement en octobre 2020, le télétravail est redevenu la norme, et l’est resté jusqu’au 9 juin 2021. A cette date, le recours au télétravail s’est assoupli. Mais la ministre du Travail a prévenu que le retour en entreprise devait se faire de façon progressive, et que les employeurs avaient l’interdiction de faire revenir leurs salariés sur site à temps complet.


Qu’est-ce que le télétravail ?

D’après l’article L1222-9 du Code du travail, le télétravail désigne ‘toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication’. On entend donc par télétravail toute forme de travail à distance s’effectuant notamment via une connexion Internet.


Comment se passe le télétravail ?

En télétravail, le salarié effectue le même temps de travail qu’en entreprise. Le salarié en télétravail doit respecter le temps de travail de son entreprise, être joignable sur les heures de travail de l’entreprise et respecter une pause de onze heures entre chaque période travaillée.


Qui a droit au télétravail ?

Tous les salariés ont droit au télétravail, y compris ceux qui sont à temps partiel. Toutefois, l’employeur est en droit de refuser les demandes de télétravail qui lui sont formulées, à condition de justifier ce refus.


Télétravail : que dit la loi ?

Le gouvernement a créé un droit au télétravail pour les salariés français dans la loi pour le renforcement du dialogue social, promulguée en septembre 2017. Le télétravail en entreprise est encadré par la loi. Il doit être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte établie par l’employeur après consultation du comité social et économique. Si un accord ou une charte s’applique, ce texte doit notamment préciser :

  • Les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour en entreprise
  • Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail
  • Les modalités de contrôle du temps de travail et les plages horaires durant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié en télétravail.
    En l’absence d’un accord ou d’une charte, le salarié et son employeur peuvent s’accorder pour recourir au télétravail. Ils doivent impérativement formaliser cet accord par le moyen de leur choix. Un courriel, par exemple, peut suffire.

Sauf circonstances exceptionnelles ou cas de force majeure (article L. 1222-11 du code du travail), comme dans le cadre de la crise sanitaire du coronavirus, le salarié doit être d’accord pour être en télétravail. Le fait de refuser d’être en télétravail ne peut pas constituer un motif de licenciement.

Le 26 novembre 2020, un accord national interprofessionnel (ANI) portant sur la mise en œuvre réussie du télétravail a été signé par les partenaires sociaux. Il ne s’agit cependant pas d’un texte contraignant, mais plus d’un ‘mode d’emploi’, pour aider les branches professionnelles à négocier des accords, et les entreprises à mettre en place des chartes au niveau individuel.


Télétravail et obligations de l’employeur

Les obligations de l’employeur vis-à-vis du salarié en télétravail sont multiples :  

  • L’employeur peut refuser le télétravail à un salarié qui occupe pourtant un poste qui permet d’en bénéficier (dans les conditions prévues par accord d’entreprise ou par charte). Cependant, l’employeur a alors l’obligation de motiver sa réponse, en démontrant, par exemple, pourquoi les tâches exercées sont incompatibles avec le télétravail
  • En ce qui concerne le matériel, l’employeur a l’obligation d’informer le salarié de toute restriction d’usage d’équipements, d’outils informatiques ou de services de communication électronique ainsi que des sanctions encourues en cas de non-respect de ces restrictions d’usage
  • L’employeur a enfin l’obligation d’organiser un entretien annuel avec le salarié en télétravail afin de revenir, entre autres, sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.


Droits du salarié en télétravail

Ce qui vaut pour les titres-restaurants vaut de manière générale : un salarié en télétravail bénéficie des mêmes droits individuels et collectifs que l’ensemble des salariés de l’entreprise, notamment en matière de :

  • Accès à la formation
  • Respect de la vie privée
  • Santé et sécurité au travail
  • Accès aux activités sociales de l’entreprise, aux informations syndicales, aux avantages sociaux (titres-restaurant, chèques vacances, etc.).
    Un salarié en télétravail doit avoir les mêmes droits qu’un salarié présent dans les locaux. A ce titre, il peut prétendre aux mêmes droits en termes de rémunération, de temps de travail, de congés payés… Le télétravailleur bénéficie également d’une affiliation au régime général de protection sociale ainsi qu’au régime de retraite complémentaire. Le salarié peut également demander le remboursement des frais liés au télétravail. Le salarié en télétravail a des droits, mais il a aussi des obligations : comme tous les salariés, le télétravailleur doit respecter les obligations fixées par son employeur et s’expose à des sanctions disciplinaires (comme l’avertissement ou encore la mise à pied) en cas de non-respect.