« Le téléphone représente aujourd’hui moins de 7 % du chiffre d’affaires d’un groupe rebaptisé Orange »

Revue de Presse

Source : lemonde.fr (28 janvier 2022 )

La nouvelle patronne de l’opérateur français, Christel Heydemann, prend la tête d’une entreprise qui retrouvé sa stabilité, mais perdu beaucoup d’illusions. Et qui garde trois motifs d’optimisme  : la télévision, le haut débit et la remontée des tarifs de la téléphonie mobile, estime Philippe Escande, éditorialiste économique au «  Monde ».

1000000000000298000001bb5b668545105b5467.jpgBoutique Orange, à Paris, le 19 février 2021.Boutique Orange, à Paris, le 19 février 2021. BERTRAND GUAY / AFP

L’histoire est celle éternelle du passage de l’ancien vers le moderne. De Molière à Downton Abbey, la littérature et le cinéma ont sans cesse raconté l’histoire d’un monde qui s’en va et d’un autre qui apparaît sur ses décombres. A la fin du XXe siècle, l’ancienne administration française des télécommunications, France Télécom, découvre la concurrence et le téléphone fixe représente l’essentiel de son activité. Le mobile apparaît tout juste et Google n’existe pas. Vingt ans plus tard, le téléphone représente moins de 7 % du chiffre d’affaires d’un groupe rebaptisé Orange. La société a plongé dans l’enfer des dettes et du désespoir de ses employés. Elle a retrouvé sa stabilité, mais perdu beaucoup d’illusions.

En ce début 2022, la nouvelle patronne de l’opérateur français va trouver une entreprise apaisée et assainie. Avec trois motifs d’optimisme. D’abord, les opérateurs téléphoniques sont devenus les portes d’entrée du monde de la télévision. Plus des deux tiers des Français passent désormais par leur décodeur pour regarder leurs programmes. Ensuite, Orange a remporté la bataille de la fibre haute débit. Même pendant la crise sanitaire, le nombre d’abonnés a progressé de manière fulgurante, passant de 4,5 millions d’abonnés fin 2020 à près de 6 millions fin 2021. Enfin, les tarifs du téléphone mobile, déprimés par la guerre des prix lancée avec l’entrée de Free sur ce marché en 2012, ont fini de baisser. Ils remontent doucement depuis 2017, et ont continué pendant la crise sanitaire.

Barrière capitalistique

La Bourse peine à reconnaître un virage qui ne se traduit que modestement dans la croissance des ventes. Elle reproche encore à ces opérateurs, et particulièrement à Orange, de dépenser beaucoup d’argent et de manquer d’ambition. L’argent est celui du câblage des maisons et du déploiement de la 5G. Cela construit une barrière capitalistique, mais mange la rentabilité des opérations. C’est la raison pour laquelle tous les opérateurs tentent de se délester d’une partie de leurs infrastructures. Après Altice, Orange envisagerait, selon l’agence Bloomberg, de se séparer de ses antennes mobiles, ses tours, en les fusionnant avec celles de Deutsche Telekom et de Vodafone.

Une autre manière d’améliorer les performances est de réduire la compétition dans un pays qui a la réputation d’offrir les tarifs de téléphone parmi les plus bas du monde. Les tentatives de mariage franco-français, notamment entre Bouygues Telecom, Free et SFR, pourraient donc reprendre après les élections présidentielle et législatives. Restent enfin les illusions perdues. Google, Apple, Facebook, Microsoft ou Netflix ont fermé l’accès aux activités de contenu. Les gestionnaires de tuyaux et de câbles qui se voyaient en stars du contenu se rendent à l’évidence  : ils ne seront pas de la fête. A moins d’avoir beaucoup d’argent à perdre, comme l’américain AT&T, qui a acheté Warner à prix d’or, sans grand résultat. Orange, comme ses compères de l’ancien monde, a survécu, mais au prix, comme les aristocrates de Downton Abbey, de la perte de son statut et d’une grande partie de son pouvoir.