Orange précise son chantier pharaonique de fermeture du réseau cuivre

Revue de Presse

Source : latribune.fr (7 février 2022 )

L’opérateur historique a présenté ce lundi les modalités selon lesquelles il compte fermer son vieux réseau cuivre, encore utilisé pour le téléphone et l’ADSL, d’ici 2030. Il espère, en parallèle, une augmentation du prix du dégroupage payé par ses rivaux SFR, Bouygues Telecom et Free lorsqu’ils utilisent cette infrastructure.

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Orange mène des expérimentations dans plusieurs communes pour industrialiser, à terme, la fermeture du réseau cuivre dans tout le pays. (Crédits : Regis Duvignau)

C’est un chantier pharaonique qui débute pour Orange. La semaine dernière, l’opérateur historique a présenté à l’Arcep, le régulateur des télécoms, son plan de fermeture du réseau cuivre. Le gendarme du secteur l’a mis ce lundi en consultation publique. Tous les acteurs de filière – et notamment les autres opérateurs comme SFR, Bouygues Telecom et Free – ont désormais jusqu’au 4 avril prochain pour indiquer à l’Arcep ce qu’ils en pensent. Leurs avis permettront, ensuite, au régulateur de valider, ou de modifier, ses modalités.

Ce chantier de «  décommissionnement du cuivre » va occuper Orange jusqu’en 2030. La tâche est essentielle, difficile et coûteuse. D’un côté, il est impératif de fermer ce réseau historique, qui a permis d’apporter le téléphone à tous les Français, avant d’être modernisé pour généraliser l’accès à Internet via l’ADSL. Aujourd’hui, le réseau d’avenir, c’est la fibre. Près de 70% des foyers y sont éligibles. D’ici 2025, l’immense majorité des Français aura accès à cette technologie. Dans ce contexte, Orange et tous ses rivaux en conviennent  : conserver et entretenir durablement deux réseaux Internet fixes serait une aberration économique.

21,5 millions d’abonnés sur le réseau cuivre

D’un autre côté, de nombreux Français continuent d’utiliser le réseau cuivre. A la fin du troisième trimestre 2021, l’Arcep décomptait 21,5 millions d’abonnés à l’ADSL et au téléphone. Beaucoup de foyers, qui ne sont pas encore éligible à la fibre, dépendent de cette technologie. Tout l’enjeu, pour Orange, est d’organiser la fermeture de ce réseau. Mais en douceur et de manière progressive. De manière à ne pas s’en attirer les foudres des usagers. Bref,  « il ne s’agit pas d’un abandon du cuivre », a insisté Fabienne Dulac, la patronne d’Orange France, lors d’une conférence de presse téléphonique ce lundi.

Ce plan se déroulera en deux parties. Jusqu’en 2025, Orange prévoit  «  une période de transition » pour  «  préparer la fermeture du réseau ». Concrètement, l’opérateur va mener plusieurs expérimentations dans différentes communes. L’objectif est de former ses équipes à la meilleure de procéder, en lien avec les élus et les autres opérateurs, pour procéder à l’arrêt du réseau. Comment communiquer efficacement pour que tous les habitants soient au courant ? Comment procéder avec ceux qui n’ont pas accès à la fibre et qu’il faudra bien migrer vers des technologies alternatives, comme la 4G fixe ou le satellite ? Que faire avec ceux qui veulent à tout prix garder l’ADSL, ou se fichent de la fibre, surtout si l’abonnement s’avère plus cher ? Voilà les défis auxquels est confronté l’opérateur historique.

Un chantier sensible

L’opérateur a déjà procédé à une expérimentation à Lévis-Saint-Nom, dans les Yvelines. Il en a initié six autres dans le Nord, dans les Ardennes et en Ile-de-France. Ces travaux, dans des villes aux profils différents – avec plus ou moins d’entreprises par exemple -, doivent permettre à ses équipes d’emmagasiner un maximum d’expérience pour piloter le chantier, et in fine l’accélérer.

Cela fait, Orange lancera la deuxième phase de son projet. Il s’agit de la  «  fermeture industrielle » de son réseau cuivre entre 2026 et 2030. A partir de 2023, l’opérateur listera tous les ans un certain nombre de communes où cette infrastructure sera éteinte. Toutes disposeront d’un préavis de trois ans avant la fin de la commercialisation des offres ADSL, suivie de la fermeture définitive du réseau. Les communes concernées seront, vraisemblablement, d’abord celles les mieux couvertes en fibre optique. C’est-à-dire les grandes villes et zones densément peuplées, qui ont été les premières à bénéficier de cette technologie. La fin du réseau cuivre a, en réalité, en partie débuté. La commercialisation des offres sur cette infrastructure est définitivement terminée pour 15 millions de locaux couverts en fibre par au moins trois opérateurs.

Vers une augmentation du prix du dégroupage ?

Pour Orange, la fermeture du réseau cuivre est éminemment stratégique et sensible. Interrogée sur le coût de cette opération, Fabienne Dulac estime qu’il est beaucoup trop tôt pour l’évaluer. Ce qui est sûr, c’est que cette infrastructure, qui date des années 1960, est de plus en plus fragile, et coûte très cher à entretenir. Orange débourse, chaque année, environ 500 millions d’euros pour la conserver en état. Sur ce front, ses dépenses vont crescendo, alors qu’en parallèle, ses recettes décroissent à mesure que les clients migrent vers la fibre.

Ce qui suscite l’ire de Stéphane Richard. Aux yeux du PGD d’Orange, l’ «  équation économique est impossible ». C’est la raison pour laquelle le dirigeant appelle depuis longtemps l’Arcep à rehausser fortement le tarif dit du «  dégroupage ». Il s’agit du prix payé à la ligne et par mois par tous les opérateurs alternatifs (SFR, Bouygues Telecom et Free) à Orange pour vendre leurs abonnements ADSL. Aujourd’hui, celui-ci s’élève à 9,65 euros. Orange souhaite le relever de 3 euros. L’Arcep a indiqué, ces derniers mois, qu’une hausse plus significative du prix du dégroupage pourrait intervenir si l’opérateur historique démontrait, via un plan ambitieux de fermeture du réseau cuivre, sa volonté de migrer rapidement tous ses abonnés vers la fibre.

C’est justement tout l’objet d’une consultation publique sur l’évolution du tarif du dégroupage publiée ce même lundi par le régulateur. En clair, l’Arcep propose une hausse ciblée de ce prix entre la fermeture commerciale du réseau cuivre et sa fermeture technique, afin d’inciter les opérateurs à migrer leurs clients au plus vite vers la fibre.

L’initiative va, sans nul doute, susciter de vives réactions de la part de SFR, de Bouygues Telecom et de Free. Les trois rivaux d’Orange hurlent depuis des mois contre l’augmentation du prix du dégroupage, lequel devrait, selon eux, être revu à la baisse.  «  Stéphane Richard veut faire un hold-up et braquer la concurrence alors que le cuivre est une rente absolue ! Aujourd’hui, ça génère 800 à 900 millions d’euros de cash flow pur à Orange, avec des tarifs qui sont beaucoup trop élevés ! », râlait l’hiver dernier un dirigeant d’un opérateur alternatif à La Tribune. Dans ce contexte, les prochaines semaines s’annoncent particulièrement tendues.