Source : focusrh.com (23 mars 2022 )
41% des salariés français sont en situation de détresse psychologique, dont un tiers en burn out (13% en forme sévère). Du côté des professionnels RH, le bilan n’est guère meilleur : plus de la moitié se trouve en situation de détresse psychologique.
Ces chiffres, issus de la 9ème vague du Baromètre de la Santé psychologique des Salariés réalisé par OpinionWay pour le cabinet Empreinte Humaine*, révèlent une nette dégradation de l’état psychologique des actifs. Des données qui invitent les entreprises à revoir leur copie en termes de prévention, et les professionnels RH à veiller à leur propre santé. L’analyse de Christophe Nguyen, président d’Empreinte Humaine.
Quelles ont été les populations les plus concernées par les risques psychosociaux ?
Les catégories les plus exposées ont été les femmes, les managers et les jeunes. Autre population concernée, les professionnels des ressources humaines : 64% sont en détresse psychologique, 63% en burn out (dont un tiers en forme sévère) La fonction RH a été très exposée depuis le début de la crise sanitaire, car elle a été sur tous les fronts : risques juridiques (obligation de prévention, protocoles sanitaires…), perte de repères, confrontation à l’éclatement des collectifs et à la détresse psychologique de salariés, encadrement du télétravail, gestion des conflits…
La crise sanitaire a-t-elle bouleversé le rapport au travail ?
Les chiffres de l’étude révèlent que la place du travail s’est modifiée, inaugurant un nouveau rapport avec l’entreprise. Si un tiers des salariés a su y trouver un avantage, en termes de transport notamment, un tiers a apprécié de façon modérée, le tiers restant le désapprouvant totalement. En cause : un télétravail imposé, non préparé, un excès de réunions, une expérience de travail monotone et, surtout, une perte de sens propice à la remise en question individuelle. Il ressort un très net sentiment de frustration pour de nombreux salariés, ces derniers considérant que leur équilibre a été mis à rude épreuve. Cela a généré un réel malaise, notamment chez les managers qui ont peiné à coordonner leurs équipes. La difficulté des entreprises à faire revenir les télétravailleurs tout comme le turn over, illustre la situation.
En 2022, que veulent les salariés ?
La fatigue pandémique n’a pas facilité le retour à la normale. Las des contraintes sanitaires souvent complexes dans certaines entreprises, le moral des Français est loin d’être au beau fixe. Seul un quart reconnaît que son entreprise a pris des mesures concrètes pour sa santé psychologique au travail. Chez les autres, l’absentéisme et les arrêts maladie ont augmenté. La santé mentale est un leitmotiv récurent.
Concernant le télétravail, les avis divergent. Ceux qui l’ont apprécié veulent le poursuivre, d’autant que les managers ont vu que le système pouvait fonctionner. L’équilibre des vies est devenue une priorité pour ces salariés.
Vient ensuite la question du salaire : le Baromètre nous montre que la souffrance économique est réelle. Entre la perte de pouvoir d’achat, l’inflation, la crise économique menaçante, les salariés recherchent de meilleurs salaires.
Enfin, ils souhaitent entretenir de bonnes relations avec leurs collègues, un lien social qui a été mis à mal durant la crise sanitaire. Notre étude montre que, parmi les 41% de salariés en détresse psychologique, la moitié a tendance à se couper du monde
La crise a également permis de comprendre que le serviciel ne fonctionnait plus. Les initiatives des organisations portant sur les ‘extras’ comme les programmes de nutrition, le sommeil, les massages ou autres sont inadaptées et peu demandées. De nombreuses études scientifiques révèlent que ces actions ne sont pas efficaces pour la santé psychologique au travail, les salariés le savent également.
Aujourd’hui, les salariés ont besoin de reconnaissance, et pas seulement financière. Toute la stratégie de QVT est à repenser et à adapter en conséquence.
Comment doit évoluer le management ?
Il s’agit de réorganiser le travail, notamment le présentiel, pour vivre une expérience de relations humaines ouvrant une meilleure efficacité collective. Cela suppose de remotiver les équipes et de recréer un collectif pour prendre du plaisir à vivre ensemble, en trouvant les bons leviers d’actions. Le contrat moral entre salariés et entreprises a changé, dans un contexte d’incertitude parti pour durer. Certaines organisations, en proie à des difficultés de recrutement, réfléchissent même à revoir leur business model.
Des exemples d’organisations qui s’en sortent mieux que d’autres ?
Durant la crise, seule une minorité d’organisations (1/3) a su créer un climat positif, de sécurité psychologique. Les campagnes de prévention préexistantes ainsi que les politiques RH attentives au bien-être ont porté leurs fruits. Pour fidéliser leurs collaborateurs, les entreprises doivent aujourd’hui leur apporter une sécurité psychologique, ce qui suppose de les écouter et les impliquer. Ce sujet ne doit pas relever uniquement de la RH, mais aussi de la gouvernance. Les entreprises les plus performantes en matière de prévention des risques psychosociaux sont celles qui ont une culture organisationnelle qui oriente et donne du sens, en s’appuyant sur la QVT. Cela invite les managers à adopter des comportements psychologiques positifs e une démarche proactive d’accompagnement et de développement.
Propos recueillis par Frédérique Guénot
* La 9ème vague du Baromètre « Impact de la crise sanitaire sur la santé psychologique des salariés » OpinionWay pour Empreinte Humaine, a été réalisée en ligne du 27 janvier au 11 Février 2022 auprès d’un panel représentatif de 2001 salariés représentatif et constitué selon la méthode des quotas, au regard des critères de sexe, d’âge, de secteurs d’activités, de nature d’employeur et de taille d’entreprises.