Source : lesechos.fr (5 avril 2022 )
L’Arcep vient de consulter les opérateurs télécoms en vue d’une possible hausse du tarif qu’ils payent à Orange pour emprunter son vieux réseau cuivre. Les opérateurs SFR, Free et Bouygues Telecom dénoncent une hausse non justifiée et qui n’incitera pas selon eux les clients à migrer vers la fibre optique.
Le réseau cuivre d’Orange, support de la téléphonie à l’ancienne et de l’ADSL, a connu son essor dans les années 1970 en France. (Witt/Sipa)
Les opérateurs télécoms SFR, Free et Bouygues Telecom vont-ils bientôt devoir payer plus cher pour emprunter le vieux réseau cuivre d’Orange dont dépendent encore 20 millions de Français ? C’est en tout cas le projet que l’Arcep a mis en route et qui fâche les concurrents d’Orange.
Pour le régulateur des télécoms, cette augmentation de ce tarif dit « de dégroupage » doit permettre d’accélérer la bascule du pays vers la fibre optique. Mais elle est loin d’être acquise, comme en attestent les réponses de SFR, Bouygues Telecom et Free à une consultation publique organisée pendant deux mois par l’Arcep et qui s’est terminée cette semaine. Tous refusent de passer à la caisse.
Le tarif du dégroupage est une pomme de discorde ancienne. La dernière augmentation date de la fin 2020. L’Arcep avait alors fixé le tarif à 9,65 euros par ligne et par mois, jusqu’en 2023. Mais le régulateur ayant prévu une clause de révision avant l’échéance, Orange était parti en campagne. L’opérateur réclamait 3 euros de plus pour faire face, selon lui, à son équation économique compliquée.
Risque anticoncurrentiel
Car non seulement son réseau cuivre est ancien et donc coûteux à entretenir, mais en plus il se vide de ses clients, à mesure que les Français passent à la fibre. Résultat, les revenus qu’Orange tire du dégroupage sont passés sous la barre du milliard d’euros en 2020. Et ils continuent de baisser – à un rythme de 200 millions par an.
En début d’année, Orange avait marqué un premier point. L ‘Arcep avait ouvert la voie à une hausse du tarif, même si elle n’était pas chiffrée et qu’elle était soumise à deux conditions : que l’opérateur historique présente un plan ambitieux concernant la fermeture de son réseau cuivre et que ce nouveau tarif dit « non excessif » s’applique uniquement dans les zones où la fibre est installée.
Or les rivaux d’Orange se montrent très critiques sur le plan de fermeture présenté par Orange qu’ils estiment « pavé de bonnes intentions », voire « d’une légèreté confondante »… Orange, lui, estime qu’il s’agit d’un plan qui « prépare l’avenir » en maintenant « usages et services aux clients », selon Fabienne Dulac, la PDG d’Orange France.
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Concrètement, deux étapes mèneront à l’extinction du réseau cuivre à l’horizon 2030. Une première phase, jusqu’en 2025, consistera à arrêter toute vente de nouvelle offre ADSL cuivre dans les zones où les quatre opérateurs ont installé la fibre. Après cette fermeture commerciale, la fermeture technique aura lieu entre 2026 et 2030. Commune par commune, les abonnés cuivre existants devront alors migrer nécessairement vers la fibre.
Or pour les opposants, le plan d’Orange n’est pas assez précis. Quelles seront les premières communes concernées ? Combien de lignes devront être débranchées ? Quid des entreprises ? Le secteur alerte aussi sur la nécessité d’encadrer le processus par une gouvernance locale forte. Et d’informer le grand public avec une vaste campagne de communication, comme en 2015 lors du passage à la TNT en haute définition. Faute de quoi, ils redoutent qu’Orange profite de l’arrêt du cuivre pour pousser ses propres offres fibre, au détriment de la concurrence…
Un dossier test pour Laure de La Raudière
Plus globalement, les opérateurs refusent de payer davantage pour une technologie datant des années 1970, qu’ils estiment en grande partie amortie et appelée à disparaître au profit de la fibre. « On est en train d’augmenter le tarif d’un produit en fin de vie, sachant qu’il est déjà 25 % supérieur à la moyenne en Europe ! » rappelle un acteur du secteur. Certains pointent aussi que d’autres pays européens comme l’Espagne ont « débranché » le réseau cuivre sans augmenter pour autant le prix du dégroupage.
Surtout, pour les rivaux d’Orange, le plan n’incitera pas les abonnés cuivre à basculer vers la fibre – faute de fermeture technique avant 2025 au plus tôt, et même 2029-2030 dans la plupart des cas. La simple fermeture commerciale n’aurait en effet aucun impact. Un opérateur concurrent n’exclut pas cependant de devoir payer plus cher. Mais à condition que cela concerne uniquement des lignes promises à une extinction rapide et donc susceptible de lui rapporter de nouveaux clients fibre…
Reste à voir désormais jusqu’où l’Arcep ira dans les demandes d’Orange et la hausse exacte du tarif. Certains y voient un dossier test dont l’issue définira la façon dont la présidente de l’institution, Laure de La Raudière, régulera l’ex-opérateur historique au cours de son mandat.