Télécoms : « Il faut durcir les sanctions pour les actes de vandalisme » (Arthur Dreyfuss, FFT)

Revue de Presse

Source  : EXTRAIT latribune.fr (10 mai 2022 )

ENTRETIEN. Président de la Fédération française des télécoms (FFT), le lobby du secteur, Arthur Dreyfuss estime que la réponse pénale aux dégradations d’antennes-relais ou des réseaux Internet fixes n’est plus dissuasive. « L’enjeu n’est pas seulement de protéger les opérateurs, mais aussi

Arthur Dreyfuss, le président de la Fédération française des télécoms (FFT), et secrétaire général d’Altice France (SFR). (Crédits : DR)

LA TRIBUNE – Les réseaux de SFR ont fait l’objet d’une attaque inédite dans la nuit du 27 au 28 avril dernier. Il s’agit de plusieurs sabotages, coordonnés, visant des infrastructures de fibre. En savez-vous plus sur l’origine de ces dégradations ?

ARTHUR DREYFUSS – Une enquête est en cours. Nous travaillons avec les services de police et la justice à l’établissement de vérité car ce qui s’est passé est d’une ampleur sans précédent. Les actes de malveillance sont devenus assez massifs ces deux dernières années. Ils s’illustraient, jusqu’à présent, par des attaques contre des sites d’antennes-relais, dont certains ont été incendiés et détruits. Mais désormais, ces dégradations s’étendent au réseau fixe. Elles constituent une atteinte aux infrastructures numériques et à l’ordre public. Si les réseaux de communications sont de plus en plus utilisés à des fins personnelles et professionnelles, ils sont également essentiels pour nombre de secteurs critiques pour la vie du pays, comme les activités d’urgence, de santé, de sécurité ou de défense… Ces actes, qu’on pouvait qualifier au départ d’actes de malveillance sont, en réalité, des actes criminels.

Les sabotages de la fin du mois d’avril ont eu un impact à l’échelle nationale, à la différence des attaques sur les antennes, qui ne concernent, à chaque fois, qu’un périmètre restreint d’abonnés…

C’est notamment en cela que cette attaque est sans précédent. Ce qui est inédit dans la dégradation dans la nuit du 27 au 28 avril, c’est la portée de la dégradation et son caractère organisé, coordonné, avec une claire volonté de nuire au pays et à nos concitoyens. Mais ne minimisons pas tout ce qui s’est passé depuis 2020. Sur les six derniers mois, nous constatons, en moyenne, quinze dégradations de sites mobiles par mois. Ce chiffre est en croissance  : en 2020, nous avions constaté une centaine de dégradations volontaires de pylônes. C’est un phénomène en France, mais aussi dans d’autres pays de l’Union européenne, notamment en Grande Bretagne ou aux Pays-Bas… L’attaque de la fin du mois d’avril n’est pas la première dégradation de réseaux fixes. Il y en a eu 30 par mois, en moyenne, sur les six derniers mois. Même si la majorité de ces dégradations concernaient les réseaux fixes aériens.

Les dégradations d’antennes ont-elles débuté avec le lancement de la 5G, à l’hiver 2020 ? A l’époque, cette technologie suscitait une grande inquiétude concernant son impact sur la santé et l’environnement…

Non. Les dégradations d’antennes ont commencé bien avant. La 5G a servi de prétexte pour un certain nombre de revendications de mouvements d’ultra-gauche. Mais les attaques contre les réseaux n’ont pas débuté avec l’arrivée de cette technologie.

Que font les opérateurs pour mieux protéger les réseaux ?

Nous avons mis en place un certain nombre d’actions depuis 2020. Les opérateurs ont fortement renforcé la protection des sites mobiles. Nous avons déployé des systèmes de détecteurs de mouvements, d’éclairage automatique, de grillages renforcés, des expérimentations de vidéosurveillance. Nous avons aussi enfoui des câbles d’alimentation électrique. Ces travaux de sécurisation sont suivis de façon mensuelle par la FFT et l’ensemble des acteurs pour harmoniser nos dispositifs. Il s’agit vraiment d’un travail collectif. Par ailleurs, nous avons proposé, à l’été 2020, un plan de lutte coordonnée au ministère de l’Intérieur. Nous avons préparé une convention nationale de lutte contre ces actes de dégradations, qui puisse être déclinée localement, au niveau départemental, entre les acteurs des télécoms et les autorités de sécurité du pays. Nous avons impliqué les «  towerco » [sociétés de pylônes de téléphonie mobile, Ndlr] dans cette convention. Elle a été signée en mars 2021, et a vocation à renforcer les travaux et les échanges entre les opérateurs, les «  towerco », la Direction générale de la police nationale (DGPN), la Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ou encore les préfectures. En parallèle, nous avons sollicité la chancellerie pour que les procureurs soient associés à ces conventions départementales. L’objectif est que des poursuites judiciaires soient rapidement engagées, avec une réponse pénale appropriée. Un peu plus d’un an après la signature de cette convention, celle-ci a été déclinée dans 44 départements. Nous attendons de la signer avec la préfecture de police de Paris. Cet accord est particulièrement important, parce que la petite couronne est l’un des endroits les plus touchés par les dégradations.

La réponse pénale est-elle à la hauteur ?

Il y a un manque à ce sujet. Aujourd’hui, les sanctions existantes ne sont pas dissuasives. Pour les dégradations d’antennes, les amendes vont, selon le Code des procédures civiles d’exécution (CPCE), de 1.500 à 3.750 euros. Elles sont accompagnées d’une peine de prison de deux ans. Le code pénal, lui, prévoit deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende pour toute dégradation ou détérioration d’un bien. Ce que l’on constate, c’est que ces réponses ne sont plus adaptées à la réalité des dommages et à leur impact sur la vie du pays. Nous appelons à un fort durcissement des sanctions pénales pour qu’elles soient vraiment dissuasives. Nous allons travailler sur ce point avec le nouveau gouvernement et le Parlement. Encore une fois, l’enjeu n’est pas seulement de protéger les opérateurs, mais aussi toutes les activités les plus sensibles et essentielles du pays.

Les réseaux télécoms font aussi l’objet de cyberattaques. Celles-ci ont-elles augmenté depuis la guerre en Ukraine ? Les réseaux sont, semble-t-il, devenus une cible privilégiée, en témoigne l’attaque contre un satellite télécoms de l’opérateur américain Viasat, au début du conflit…

La menace cyber ne cesse d’augmenter. Ce qui s’est passé ces dernières semaines a été une illustration de cette augmentation. Jamais les moyens humains, technologiques et financiers mis en œuvre n’ont été aussi importants pour protéger les opérateurs et leurs clients. Les auteurs de ces cyberattaques sont aujourd’hui de tous types. On y trouve des organisations criminelles françaises et étrangères. Il y a aussi des organisations pilotées par des personnes privées, ou des organisations étatiques… Nous travaillons, sur ce front, de manière très étroite et quotidienne avec les pouvoirs publics.