Jean-Paul Charlez (ANDRH) : « Une refonte du Code du travail est incontournable»

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Source : lesechos.fr (26 juin 2015)
INTERVIEW – Le président de l’Association nationale des DRH et DRH d’Etam juge que «  la peur de l’embauche et des prud’hommes est un fantasme ».

La reprise se précise. Les créations d’emplois vont-elles suivre ?

Il y a une indéniable embellie mais ne nous leurrons pas, l’emploi vient toujours en dernier. C’est une conséquence des investissements. Je ne connais pas d’employeur qui n’embauche pas parce que les charges sont trop élevées. Mais par manque de visibilité ou de commandes, si. Je ne dis pas que la politique du gouvernement de baisser les charges n’est pas bonne, au contraire, mais cela ne suffit pas en soi à créer des emplois. Je suis aussi sceptique sur les aides à l’embauche, via les emplois aidés ou les primes au recrutement. Elles créent surtout des effets d’aubaine.

Faudrait-il agir plutôt sur le contrat de travail ?

Je suis contre le contrat de travail unique. Les salariés ont besoin de reconnaissance et de sécurité, c’est la base. Comment leur demander de s’impliquer tout en leur disant qu’ils peuvent ne plus être là demain ? Et pour l’employeur, embaucher quelqu’un avec l’idée qu’on va s’en séparer, c’est curieux… Je crois plus à l’impact d’une réforme de l’assurance-chômage. Le niveau d’allocations et la durée de couverture en France sont sans égal dans le monde. Cela n’encourage pas à chercher du travail et entretient les pénuries sur certains postes. Certains font clairement le choix de rester au chômage un temps, sans se rendre compte qu’ils font chuter leur employabilité.
Il faut tout remettre à plat, d’autant que nous n’avons plus les moyens financiers d’assumer ce niveau de couverture.

Vous ne croyez donc pas à la «  peur d’embaucher » pointée par le Medef ?

Je n’ai jamais connu d’entreprises fonctionnant ainsi. Est-ce si compliqué de se séparer d’un salarié ? Je ne pense pas. Chez Etam, nous avons une petite dizaine de dossiers par an aux prud’hommes, sur 5.000 salariés. Si le DRH fait bien son travail, c’est un risque qui reste acceptable et gérable. Je doute d’ailleurs de l’utilité du futur barème . Il est très compliqué, avec trois niveaux d’ancienneté et trois tailles d’entreprises différents… C’est symptomatique de la France : on promet de simplifier, puis on refait une usine à gaz ! En outre, le juge pourra sortir du barème en cas de discrimination ou de harcèlement, ce qui risque de pousser les salariés à aller systématiquement sur ces terrains.

Pourquoi les employeurs sont-ils alors si effrayés par le droit du travail ?

Fondamentalement, le problème est que la fonction de DRH n’existe quasiment pas dans les PME de moins de 150 salariés. On fantasme le risque prud’homal parce qu’on a peur, et on a peur parce qu’on ne maîtrise pas son sujet. Cela dit, une refonte du Code du travail est incontournable. Il est énorme, complexe, grossit chaque année et pourtant, par le jeu permanent des décisions de justice, nous évoluons dans un environnement juridique non sécurisé !
La justice vient par exemple d’affirmer qu’une demande d’explication écrite à un salarié constituait en soi une sanction, ce qui est contre-intuitif. Autre exemple : si un salarié non fumeur accompagne des fumeurs pour leur pause, on peut me reprocher de ne pas l’avoir protégé contre le tabagisme passif !

Que préconisez-vous ?

D’enfin faire de l’entreprise le lieu privilégié du dialogue social. Le Code du travail fixerait les grands principes fondamentaux, les branches assureraient un minimum de droits communs à tous par secteur d’activité et tout le reste serait renvoyé aux accords d’entreprises. C’est l’approche que préconisent Robert Badinter et Antoine Lyon-Caen dans leur récent ouvrage et j’y adhère. Il faut faire confiance aux employeurs : nous, nous n’avons pas de 49-3, nous sommes obligés de nous entendre en bonne intelligence avec les syndicats !

La réforme du dialogue social va-t-elle dans le bon sens ?

Aller vers une instance unique est une bonne mesure qui doit faciliter la vie des employeurs comme des élus du personnel. Sortons de la schizophrénie actuelle où le formalisme excessif nous oblige à parler trois fois d’affilée de la même chose aux mêmes personnes dans la même semaine ! Mais attention dans la loi à ne pas multiplier au final les représentants du personnel et les heures de délégation, ce qui serait contre-productif. Il reste aussi des problèmes que la loi n’aborde pas, comme le monopole persistant accordé aux syndicats représentatifs au premier tour des élections, ou le fait que les expertises commandées par les comités d’entreprises (CE) ne soient pas à leur charge mais à celle des employeurs.

L’extension du travail dominical va-t-elle créer des emplois ?

J’en doute. Je ne suis pas sûr que passer de 5 à 12 dimanches par an intéressent beaucoup d’entreprises. Chez Etam, les cinq dimanches actuels nous suffisent. Le principal intérêt de la loi réside en fait dans la création des zones touristiques internationales et l’ouverture des magasins dans les gares, mais cela ne va pas révolutionner l’emploi.