Les Français prêts à renoncer aux 35 heures? Pas encore !

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Source : lexpansion.lexpress.fr (3 septembre 2015)

Selon un sondage CSA pour Les Echos, 71% des Français sont prêts à laisser les entreprises fixer le temps de travail hebdomadaire dans le cadre d’un accord collectif. De là à renoncer aux 35 heures, il y a un peu de marge.

Si l’on en croit les sondages, le désamour des Français pour les 35 heures va crescendo. En 2008, selon un sondage de l’institut Cegos, 82% y étaient favorables. En 2011, selon l’Ifop, 52%. En 2014, selon Odexa, ils ne sont plus que 38%. Un an après, selon un sondage CSA/Les Echos publié ce vendredi, il ne reste que 29% d’irréductibles partisans du travailler moins.

« La durée du travail fait le salaire »
Comment peut s’expliquer cette dégringolade chez les principaux intéressés, alors que la loi de Martine Aubry était censée donner aux salariés plus de temps libre sans baisse de salaire, tout en favorisant l’emploi? Tout d’abord, une polémique sur son efficacité. Selon l’OFCE, un institut classé à gauche, les 35 heures ont permis de créer 480 000 emplois. Mais, selon les économistes Patrick Artus, Pierre Cahuc et André Zylberberg « aucune étude sérieuse n’a pu montrer qu’une réduction de la durée du travail se traduisait par des créations d’emplois ». La progression du nombre de chômeurs en France semble leur donner raison.

D’autre part le pouvoir d’achat des Français stagne depuis des années, affaibli par la politique de modération salariale des entreprises. « Les gens pensent que dans une situation économique difficile, il faut travailler plus. La durée du travail fait le salaire », reconnaît pour L’Express Hervé Garnier, secrétaire national de la CFDT. A ce contexte morose s’ajoute une condamnation presque morale, venant de la droite comme de la gauche. Emmanuel Macron estime que « c’est une fausse idée que la France puisse aller mieux en travaillant moins ». Si cette remise en cause subliminale a été désavouée par Manuel Valls, ce dernier proposait lui-même de « déverrouiller » les 35 heures en 2011. Au fil du temps, elles sont devenues le symbole d’une France qui refuse les réformes.

« C’est devenu un totem politique », regrette Hervé Garnier. « Pourtant le débat est hors-sol. Dans les entreprises, la durée du travail n’est un enjeu ni pour les salariés, ni pour les DRH. Les 35 heures sont dans le code du travail. C’est le curseur à partir duquel se déclenche les heures supplémentaires. » Pour le syndicaliste, les vrais enjeux sont le coût du travail et sa durée effective, compte-tenu de l’usage professionnel des supports numériques. Si le dialogue social doit « laisser une place à la réalité de l’entreprise », pas question de revenir sur le code du travail, « un texte qui s’applique à tout le monde ».

« ‘Repensons les 35 heures’, pas ‘enterrons les' »
Les salariés en ont-ils vraiment assez des 35 heures? Les choses ne sont pas si claires en ce qui concerne ce dernier sondage CSA. La question précise à laquelle les 1003 Français choisis ont répondu ne les mentionnait pas : « Selon vous, faut-il laisser les entreprises fixer librement le temps de travail, par accord avec leurs salariés? » Toutes les catégories professionnelles répondent en majorité « oui », quelles que soient leurs affinités politiques, cadres et ouvriers étant les plus réticents (42 et 39% de « non » respectivement).

« C’est un sondage qui signifie que les Français sont pour plus de souplesse et d’agilité dans les entreprises, au cas par cas. C’est ‘repensons les 35 heures’, pas ‘enterrons les 35 heures », remarque pour L’Express Julie Gaillot, de CSA. « Les mois à venir indiqueront donc si cette position de principe est le signe d’une réelle volonté de remise en cause des 35 heures », conclut prudemment la note d’analyse de l’institut de sondage.