Réforme du Code du travail : la loi seule ne suffira pas

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Source : lesechos.fr (11 février 2016)

Juges, législateurs, partenaires sociaux… Pour Nicolas de Sevin, président d’AvoSial, il faut associer plusieurs acteurs pour refondre le droit du travail.

Le gouvernement affiche ses ambitions : plus qu’une réforme, il vise une refondation de notre droit du travail. La publication des 61 « principes fondamentaux » par la commission des sages présidée par Robert Badinter vient d’en donner le véritable coup d’envoi. La tâche s’annonce ardue. Pour réussir ce pari, il faut enfin assumer la double vocation du droit du travail : protéger les salariés, mais aussi permettre aux entreprises de se développer et de s’adapter conformément à la liberté d’entreprendre.

A cet égard, le rapport Badinter présuppose encore une relation de travail où tout repose sur la responsabilité de l’employeur, et où les seules libertés célébrées sont celles qui sont reconnues au salarié. Le projet de loi qui sera porté par Myriam El Khomri devra sortir d’une approche « Germinalienne » du travail encore trop présente.

Eviter l’ornière d’une jurisprudence hors-sol

Refonder le droit du travail, c’est aussi s’interroger sur la jurisprudence sociale, qui est à l’origine de nombre de ses évolutions. Il est fréquent que les lois protégeant les salariés soient durcies par le juge, tandis que les lois protégeant les entreprises sont affaiblies ou neutralisées à l’épreuve du prétoire. Le droit du licenciement économique a donné de nombreux exemples de ce phénomène : motif « réel et sérieux » de licenciement transformé en mission impossible pour les groupes, obligation de reclassement étendue à l’infini, règles de prescription neutralisées, etc.

A l’insécurité juridique découlant d’interprétations surprenantes, s’ajoute le sentiment d’une faveur systématique pour la cause des salariés. Pour Avosial, syndicat des avocats d’entreprise en droit social, il est nécessaire que la Cour de cassation, mais aussi les chambres sociales des cours d’appel, échangent davantage avec les partenaires sociaux pour éviter l’ornière d’une jurisprudence hors-sol. Sur ce plan, les revirements récemment opérés sur le principe d’égalité, l’obligation de sécurité et le co-emploi témoignent d’une évolution positive.

Davantage de place pour les négociations

La transformation passera aussi, naturellement par la négociation collective. Certains principes contenus dans le rapport Badinter s’inscrivent dans cette direction. Le renvoi par la loi à la négociation collective, notamment sur l’organisation du temps de travail, ainsi que les aménagements du principe de faveur, consacrent ainsi des évolutions fécondes et nécessaires. Il restera aux partenaires sociaux à s’en saisir. La tâche est ardue. Il va falloir, au niveau de l’entreprise ou de la branche, revoir les conventions et accords collectifs pour les adapter aux enjeux économiques actuels et construire de nouveaux équilibres entre flexibilité et protection.

Ce travail interviendra probablement dans un cadre juridique modifié à la suite du rapport CESARO qui vient d’être publié. Avosial en salue notamment les propositions consistant à aligner le droit de la révision sur celui de la conclusion des accords ou la possibilité de conclure des accords anticipés en cas de fusion ou de cession d’entreprise. On ne peut que regretter, en revanche, l’absence de remise en cause des avantages individuels acquis, source de redoutables complexités.

Du juge au législateur en passant par les partenaires sociaux, ce sont en réalité plusieurs acteurs qui porteront, ensemble, le succès ou l’échec de cette refondation que tous appellent de leurs vœux. Cette responsabilité commune est immense car l’urgence d’adapter notre droit aux réalités économiques est grande. Cette refondation du Code du travail est sans aucun doute un atout pour relever le défi de l’emploi dans notre pays, tant il est certain que d’apparentes protections jouent en réalité à contre-emploi. Ces changements ne pourront se faire sans les avocats que représente Avosial, qui sont à la fois les conseils des entreprises et les acteurs de l’évolution du droit au cœur des tribunaux.