Sommes-nous tous en burn-out?

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Source : lexpress.fr (25 février 2016)

Manifestation extrême de la souffrance au travail, le burn-out est souvent confondu avec la dépression, le stress ou les problèmes au bureau.

Manifestation extrême de la souffrance au travail, le burn-out est souvent confondu avec la dépression, le stress ou les problèmes au bureau. Trois praticiens expérimentés nous expliquent les nuances de ce syndrome.

De 30 000 personnes selon l’Institut national de veille sanitaire à 3 millions selon le cabinet spécialisé en risques psychosociaux Technologia, plusieurs estimations circulent sur la population en risque de burn-out en France. Entré dans le langage courant, ce terme, qui désigne une souffrance psychique liée au travail, est source de confusions.


Un burn-out n’est pas une dépression

Bien que les symptômes soient communs, le burn-out se distingue de la dépression par son lien au travail. « Un patient qui va mieux lorsqu’il s’arrête de travailler, et replonge la veille du retour au bureau, est clairement en danger », estime le docteur Marie-Christine Marié-Soula, médecin du travail, ex-praticienne d’une consultation en pathologies professionnelles à l’hôpital Cochin. « Le propre du burn-out, c’est de tout ruminer autour du travail. Les autres sphères de la vie du patient sont secondaires », confirme le psychiatre Dominique Servant, de l’unité de consultation stress et anxiété du CHRU de Lille, auteur de « Ne plus craquer au travail » (éditions Odile Jacob).

A distinguer d’un simple épuisement

Avoir des symptômes liés à un stress prolongé comme des problèmes de mémoire, de concentration, de sommeil ou d’hypertension, ne signalent pas un burn-out. « Le stress chronique entraîne de l’épuisement physique, explique Martine Keryer, médecin du travail à l’ACMS, le service interentreprises de santé au travail d’Ile-de-France. Dans le burn-out, il y a aussi un épuisement émotionnel. Ce n’est pas le cas de d’un bourreau de travail qui fonctionne en stress chronique, mais garde confiance en lui, éprouve de la satisfaction au travail. »

Le burn-out induit une réelle incapacité à travailler. « Ces patients ressentent un blocage inexpliqué et soudain à travailler, complète Dominique Servant. Par exemple, un commercial qui ne peut plus prendre sa voiture pour se rendre à ses rendez-vous. Cette situation conduit à un désarroi très fort, car ces personnes font souvent preuve d’un fort engagement au travail. Elles sont désolées de ne pas pouvoir faire face. »

Quand la souffrance s’installe

Le burn-out n’est pas un épisode passager. « Une personne qui change de poste, explique qu’elle stresse, qu’elle n’est pas en accord avec son chef, et qu’on lui donne trop de travail n’est pas en burn-out. Il faut que le malaise dure, au moins deux ou trois mois, ajoute Marie-Christine Marié-Soula. « Sur le plan des symptômes, on considère qu’au bout de 10-15 jours sans amélioration, le problème semble s’installer, estime de son côté Dominique Servant. Mais il y a aussi des formes plus brutales », tempère-t-il.

Le harcèlement : un problème à part

Le harcèlement au travail ne conduit pas nécessairement à un burn-out. « C’est un événement exceptionnel qui joue un rôle de déclencheur, mais sur un terrain déjà propice », poursuit Dominique Servant. Tout dépend, selon Marie-Christine Marié-Soula, de l’attitude du salarié lorsqu’il affronte ce type de difficulté. « Confrontées à des injonctions paradoxales, de la surcharge de travail ou un dénigrement, certaines personnes essaient de lutter, s’acharnent à vouloir faire leurs preuves. C’est ici que se situe le danger », explique la spécialiste.