Les Français méritent-ils leurs fonctionnaires?

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Source : huffingtonpost.fr (23 juin 2016)

Cette tribune est publiée à l’occasion de la première édition de la journée de la Fonction publique en France.

Les Français sont viscéralement attachés à leurs services publics et ils ont raison de l’être. Ils sont fiers de leur modèle social, défendent l’Etat providence et encensent la sécurité publique et sociale. Ils sont heureux de pouvoir compter sur des services publics, même dans les territoires les plus isolés de la République.

Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que cet amour débordant ne se reporte pas sur les femmes et les hommes qui font vivre ces services au quotidien.

Car pour les Français, au contraire, le fonctionnaire cumule les tares. Déjà, il coûte cher. Et puis il est absentéiste, privilégié, surprotégé. N’en jetez plus…

Cet amour vache n’est pas nouveau. Déjà au début du siècle dernier, Clemenceau disait des fonctionnaires qu’ils étaient « les meilleurs maris du monde » car « quand ils rentrent le soir à la maison, ils ne sont pas fatigués et ont déjà lu le journal ». Et le regretté Coluche d’enfoncer le clou : « le fonctionnaire ne doit pas dormir au bureau le matin sinon il ne sait plus quoi faire l’après-midi ».

Au-delà des boutades et des traits d’esprit, d’autres postures venant de la droite engagée dans des primaires sont autrement plus inquiétantes. Elles font du fonctionnaire le responsable du trou de la sécu, du déficit, du manque de compétitivité de notre économie. Et au risque de détruire la relation de proximité que l’Etat entretient avec ses administrés, François Fillon veut par exemple supprimer 600.000 fonctionnaires en cinq ans, Nicolas Sarkozy 300.000, Alain Juppé 250.000 et Bruno Le Maire va jusqu’au million!

Il ne s’agit pas de fermer les yeux sur les difficultés. La rénovation de la Fonction Publique a été engagée par le gouvernement depuis 4 ans. Elle a déjà permis de redéfinir les droits et les devoirs des agents à travers la loi déontologie, de redonner du sens à des carrières et à des rémunérations qui en manquaient, et de faire la transparence absolue sur des sujets épineux, comme le temps de travail, la discrimination à l’embauche, la meilleure prise en compte du mérite dans la carrière ou le logement des agents.

Les chantiers ne manquent pas, et chaque jour je me bats pour que la Fonction Publique fasse plus de place à la jeunesse et à la diversité. Finalement, les enjeux du public ne sont pas si différents de ceux du privé. Ce qui manque le plus, et je m’y emploie, c’est de favoriser une culture de l’innovation. Mais ces innovations ne changeront le regard des Français sur ces 5,5 millions de femmes et ces hommes qui, dans l’ombre, œuvrent au bien commun, que si elles sont mieux connues. C’est pourquoi j’ai décidé de décliner ce jeudi 23 juin pour la première fois en France la journée mondiale de la Fonction publique, initiée par l’ONU.

Cette journée sera juste pour eux, pour leur rendre hommage. Pour leur dire qu’ils sont indispensables.

Car, oui, plus que jamais, les fonctionnaires méritent qu’on les célèbre!