Pour un régime universel de retraite à points !

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Source : lesechos.fr (19 juillet 2016)

Nos dépenses de retraite sont de 75 % plus élevées que celles de la moyenne des pays de l’OCDE. Pourtant, les Français entretiennent un sentiment d’inéquité face à notre système intergénérationnel. Il est temps de réaliser une vraie réforme structurelle.

Dans le classement des domaines où l’application de nos principes républicains est à améliorer, notre système de retraite est bien placé. Si la solidarité intergénérationnelle a construit un système plus généreux qu’ailleurs, le morcellement en 35 régimes crée un sentiment d’inéquité qui mine les relations sociales et la confiance au sein de la société. La faible lisibilité supprime toute part de liberté des citoyens dans la gestion de leur retraite, au nom d’un Etat providence de moins en moins providentiel.

Les Français bénéficient de la durée la plus longue au monde de leur retraite (vingt-cinq ans), cinq ans de plus que la moyenne des autres pays développés. Des retraites généreuses associées à une durée longue font que les dépenses de retraite sont de 75 % plus élevées que dans la moyenne de l’OCDE (environ 14 % vs 8 %). Cette situation favorable pour les retraités du baby-boom et des générations précédentes va nettement se dégrader pour les générations suivantes. Malgré les multiples réformes, à législation inchangée, le système cumulera chaque année plus de 10 milliards d’euros de déficit dès 2019 et le niveau de vie des retraités va se dégrader progressivement. Dans ce contexte, l’urgence d’une réforme systémique devrait faire l’objet d’un consensus politique.

La réforme à mener ne vise pas simplement à faire survivre le système, ce qu’ont fait les réformes paramétriques depuis 1993, mais à l’adapter au nouveau monde. Comme pour le système de santé, on doit d’abord prendre acte de l’universalisation des droits sociaux qui conduit à leur individualisation en les liant à la personne et non plus au statut professionnel. La multiplicité des régimes de retraites structurés en fonction de critères d’appartenance socioprofessionnelle n’a plus lieu d’être. Cela revient d’abord à fusionner les 21 régimes de base et les régimes spéciaux intégrés au sein du régime général qui devient le régime universel de retraite (RUR).

Quant aux régimes complémentaires des salariés, l’accord d’octobre 2015 entre partenaires sociaux montre que la différenciation de ce pilier avec celui des régimes de base ne garantit ni un niveau de retraite satisfaisant à moyen terme ni une viabilité financière durable. Ils présentent des similarités avec la retraite de base en termes de logique par répartition, de financement par des cotisations sociales et de leur caractère obligatoire. Leur fusion avec le RUR nécessite d’harmoniser les modes de calcul des droits à la retraite, à points pour les régimes complémentaires et par annuités pour les régimes de base et intégrés. Le passage à un régime universel de retraite à points (le RURP) comprend de multiples avantages aussi bien dans la constitution progressive de sa retraite au cours de la vie active (lisibilité, transparence, facilité de gestion) que dans sa liquidation (partage des points, arbitrage, durée et niveau des pensions). La création du RURP est l’occasion de donner un libre choix aux assurés de leur opérateur, entre la caisse nationale et une institution de retraite privée. Même si les droits des assurés seront identiques entre les opérateurs, leur mise en concurrence incitera à optimiser la qualité de services et assurera une transition maîtrisée avec la situation actuelle.

En l’état actuel, l’Etat définit la politique de retraite et pilote les régimes de base, les partenaires sociaux gèrent les régimes complémentaires. L’accord d’octobre 2015 montre les limites de la gouvernance actuelle, à bout de souffle. En agissant sur la durée de cotisation pour une retraite à taux plein (par un système de décote), les partenaires sociaux s’arrogent une prérogative de l’Etat et creusent les inégalités entre les salariés et non-salariés du privé, et entre le public et le privé. En parallèle à la création du RURP, une nouvelle gouvernance est à instaurer, laissant à l’Etat la détermination de la politique de retraite, la définition des règles et objectifs et à la société civile la gestion courante. Les partenaires sociaux, sur proposition du COR, agiront sur les paramètres disponibles pour assurer la viabilité financière du RURP, qui devra fonctionner sans déficit récurrent. Le pilotage financier est à réaliser avec un horizon de long terme, au moins vingt-cinq années, en ajustant en priorité l’âge pivot de départ en retraite. Pour revenir à l’équilibre à moyen terme, la durée de cotisation doit être allongée d’un trimestre tous les deux ans jusqu’en 2040.

Outre ce système par répartition à restructurer, la constitution d’une retraite supplémentaire, en la dotant d’une composante sociale, doit être davantage encouragée et constituer un axe stratégique de la politique de retraite.

La création du RURP répond à la fois à une évolution logique dans le temps et à l’application des principes fondamentaux de notre système de protection sociale du XXIe siècle à partager avec les Français. La clef de voûte du succès pour réussir le RURP est la légitimité démocratique. Cela suppose d’intégrer la réforme dans le programme présidentiel du (ou de la) futur(e) président(e) de la République, de l’expliquer, de l’inclure dans une vision de la société et de la réaliser sur un quinquennat !