Quel droit à la déconnexion dans la loi El Khomri ?

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Source : usine-digitale.fr (27 juillet 2016)

Analyse Sujet sensible s’il en est le droit à la déconnexion renvoie aussi bien à la mesure du temps du travail qu’aux risques psycho sociaux à l’âge du numérique. Que dit sur ce sujet la loi El Khomri ? Qui pourra éteindre son ordi et son téléphone ? Et qui devra rester connecté ?

Tandis que le débat public entre partisans et opposants de la loi Travail s’est notamment concentré sur la question de la hiérarchie des normes, le texte porté par Myriam El Khomri contient des dispositions organisant un début de droit à la déconnexion. « Elle consacre le principe d’un droit à la déconnexion pour tous les salariés », affirme Séverine Martel, avocate associée au cabinet Reed Smith. Comment ? En obligeant les entreprises de plus de cinquante salariés à négocier ce droit dans le cadre des négociations annuelles obligatoires (N.A.O.). C’est ce que prévoit l’article 25 de la loi. Pour les entreprises de moins de 50 salariés, rien ne change en revanche.

Pas de sanctions, pas d’obligations ?

Pour les entreprises de plus de 50 salariés, si la négociation ne débouche pas, la direction devra mettre en place une Charte pour assurer le droit à la déconnexion. « La loi n’impose pas la mise en place d’un outil technique qui couperait l’accès au mail ou à l’intranet, mais plutôt l’adoption de chartes de bonnes pratiques pour l’utilisation des outils numériques, qu’ils appartiennent à l’entreprise ou au salarié », estime Caroline André-Hesse, avocate en droit social au sein du cabinet AyacheSalama. « Toutefois, remarque Séverine Martel, aucune sanction spécifique n’a été prévue en cas d’absence de discussions ou de chartes sur le sujet. »

Mais ce n’est pas parce qu’aucune sanction n’est prévu que l’on peut continuer comme avant et ne rien faire. L’entreprise qui n’aura pas d’accord sera dans une situation délicate le jour où un salarié mécontent réclamera le paiement d’heures supplémentaires par exemple, ou s’appuiera sur les textes prévalant en matière de risques psychosociaux, pour lesquels l’entreprise a désormais une obligation de résultats. C’est dire que la question ne peut pas être traitée à la légère. Pour mémoire, la Cour de cassation a déjà considéré dans un cas d’espèce qu’envoyer des courriels tardifs pouvait être considéré par le destinataire comme une incitation à répondre immédiatement.

Attention aux salariés au forfait

Le sujet est particulièrement sensible pour les salariés au forfait, c’est-à-dire des salariés pour lesquels la durée du travail se mesure en nombre de jours et non pas en heures quotidiennes. Ceux-ci n’ont pas d’horaires à respecter autres que le temps minimal de repos. C’est en grande partie pour eux que le droit à la déconnexion a été créé. Reste qu’il va falloir composer entre ce nouveau droit relativement imprécis et l’autonomie du cadre, qui est la base du forfait-jours. Qu’arriverait-il si demain se multipliaient les accords mis en place par certaines entreprises qui coupent les serveurs de courriels après une certaine heure ? Que devient l’autonomie du cadre qui préfère partir tôt, s’occuper de ses enfants, puis reprendre le travail après 21 heures ?

Dans l’article 2 de la Loi Travail, il est clairement indiqué que l’entreprise doit préciser au cadre au forfait « les conditions dans lesquelles ce salarié il peut exercer son droit à la déconnexion », explique Caroline André-Hesse du cabinet AyacheSalama. Si cela peut figurer dans une annexe au contrat de travail pour les nouveaux venus, l’avocate conseille aussi de remettre l’accord ou la charte sur le sujet aux cadres déjà dans l’entreprise, afin qu’ils en aient bien connaissance.

Reste à savoir si le Conseil constitutionnel censurera ou non cette partie du texte de Loi..