Orange-Bouygues Telecom : les coulisses d’un mariage manqué

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Source : lexpansion.fr (2 avril 2016)

Orange et Bouygues ont annoncé vendredi la « fin des discussions » pour le rachat de la filiale télécom du groupe industriel par l’opérateur historique. Les raisons? Martin Bouygues n’a pas lâché sur le prix, la répartition des actifs posait problème, mais aussi les risques en cas de veto de l’Autorité de la concurrence. Détails.

C’est avant tout « un grand regret ». Vendredi soir, chez Orange, « on a sifflé la fin des discussions » sur le rachat de Bouygues Telecom, non sans une certaine amertume. « La négociation était très compliquée entre les quatre acteurs [les opérateurs, NDLR] plus l’Etat, indique à L’Express un proche du dossier. Malgré cela, on a réussi à résoudre une très grande partie du deal. Mais il y avait des points de blocage évidents ».

Un accord proche, mais quatre problèmes majeurs

Au premier chef duquel se trouve la répartition des actifs. Par exemple, Illiad, la maison-mère de Free, ne voulait pas toute l’architecture du réseau de Bouygues. « Ils voulaient les emplacements des antennes, mais pas les antennes », illustre ainsi notre source. Rien que ce point constituait « une grosse difficulté ».

Autre souci, les accords de mutualisation entre les différents réseaux. « Entre SFR et Free, la discussion était parfois compliquée ». Certains acteurs pensent même que Free n’aurait pas joué le jeu à fond. « Xavier Niel n’a pas arrêté d’ajouter des conditions », précise une même source.

Troisième frein, « le risque d’exécution ». En cas d’accord initial, les différentes parties devaient s’en remettre à l’Autorité de la concurrence qui aurait donné son « go » ou partiellement. Mais personne ne pouvait savoir à l’avance le résultat de l’enquête des autorités. « Cela aurait pu prendre des mois, indique-t-on encore chez l’un des opérateurs. Et en cas d’accord partiel, il fallait prévoir des clauses ». Problème, Free et SFR, qui devaient aussi racheter des actifs de Bouygues, s’inquiétaient des conséquences d’un veto pour la suite de leurs activités. Orange devait donc endosser une grosse partie des risques. Trop aléatoire, trop risqué au final.

Martin Bouygues « n’a pas lâché un centime »

Enfin, restait encore à régler l’épineuse question du prix. « Martin Bouygues est arrivé à la table des négociations en demandant 10 milliards d’euros », précise un des négociateurs, reprenant ainsi le montant de l’offre formulée par SFR-Numericable (propriété de Patrick Drahi, actionnaire de L’Express) en juin 2015. Problème : « il n’a pas lâché un centime ». En revanche, les deux parties étaient d’accord sur la logique d’une prise de participation de Bouygues dans le capital d’Orange.

Mais là, c’est l’Etat qui faisait entendre sa petite musique. D’après une autre source citée par l’AFP un peu plus tôt dans la journée, « l’Etat voulait que les actions Orange soient valorisées à un prix très supérieur au marché en imposant des conditions très strictes en matière d’actionnariat à Bouygues ». Des conditions difficilement acceptables pour le groupe industriel qui a donc décidé de jetter l’éponge vendredi.
Martin Bouygues pouvait devenir, après l’Etat, le deuxième actionnaire d’Orange

Bilan de cet interminable feuilleton qui aura duré 3 mois? « On va rester à quatre, les perspectives de consolidation du marché sont désormais très limitées », explique ainsi à L’Express un porte-parole d’Orange. Du côté de l’opérateur historique, on affiche la volonté de « continuer les investissements, notamment dans la fibre et dans la 4G. Pour les autres, on verra bien comment ça va se passer… »