Négociation collective : le groupe supplantera-t-il l’entreprise ?

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Source : lemonde.fr (10 octobre 2016)

« Le rôle des accords d’entreprise vient d’être renforcé par la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi El Khomri » (Photo : Myriam El Khomri, ministre du travail, à l’Assemblée nationale, le 5 octobre). « Le rôle des accords d’entreprise vient d’être renforcé par la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi El Khomri »

La relation de travail est régie par le code du travail, le contrat et, de plus en plus, par les accords collectifs. Au sommet de ces accords collectifs se trouvent les accords nationaux interprofessionnels. Viennent ensuite les conventions collectives de branche d’activité (la chimie, la métallurgie…) et, enfin, les accords d’entreprise.

Le rôle de ces derniers vient d’être renforcé par la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, dite loi El Khomri.

Source d’innovation

C’est au niveau de l’entreprise que doivent s’engager les négociations obligatoires, réparties en trois blocs depuis la loi Rebsamen du 17 août 2015. Le premier concerne la rémunération et la durée du travail, le deuxième s’attache à l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail, et le troisième bloc réunit les questions de gestion des emplois et des parcours professionnels.

La négociation de groupe s’est révélée très utile pour harmoniser les statuts au sein d’un groupe réunissant des entreprises dont les activités et, donc, les conventions de branche sont très différentes

Mais le fonctionnement de l’entreprise est également lié à sa structure, qui varie du simple établissement jusqu’au groupe. Il existe en France plus de 10 millions de salariés travaillant dans des groupes. Prenant acte de la pratique, la loi du 4 mai 2004 relative à formation professionnelle et au dialogue social a légalement ­reconnu, pour la première fois, l’accord de groupe.

La négociation de groupe est souvent source d’innovations sur les questions de responsabilité sociale, de diversité, etc. Elle s’est révélée très utile pour harmoniser les statuts au sein d’un groupe réunissant des entreprises dont les activités et, donc, les conventions de branche sont très différentes. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences prend aussi tout son sens à ce niveau.

Toutefois, jusqu’à aujourd’hui, il était impossible de s’acquitter des négociations annuelles obligatoires au niveau du groupe. Et lorsque l’accord de groupe portait sur des thèmes déjà traités par des accords d’entreprise, les dispositions de l’accord de groupe ne pouvaient prévaloir sur celles des accords d’entreprise, sauf si elles étaient plus favorables aux salariés, selon le « principe de faveur ». Mais la loi El Khomri a changé la donne. Elle confère une plus grande importance à l’accord de groupe, en particulier sur deux axes.

Accord de méthode

Premier axe : désormais, la négociation annuelle obligatoire pourra s’engager au niveau du groupe. De deux choses l’une. Soit les négociateurs parviennent à un accord sur un thème de négociation obligatoire au niveau du groupe, et l’entreprise est dispensée de négocier sur ce thème. Soit un accord de méthode conclu au niveau du groupe prévoit que c’est à ce niveau que s’engagent les négociations obligatoires, et les entreprises appartenant au groupe sont dispensées de négociation.

Deuxième axe : la loi permet désormais à l’accord de groupe de primer sur l’accord d’entreprise. Lorsqu’un accord de groupe le prévoit expressément, ses stipulations se substituent donc à celles des accords d’entreprise ayant le même objet, qu’ils soient conclus antérieurement ou postérieurement. Exit, dans ce cas, le principe de faveur.

Reste à savoir comment, dans les prochains mois, les partenaires sociaux s’empareront de ces nouvelles évolutions.

Stéphanie Guedes da Costa (Avocate associée au cabinet Flichy Grangé)