Suicides à France Télécom : la perspective d’un renvoi en procès retardée

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Source : leparisien.fr (11 octobre 2016)

a Cour de cassation a renvoyé l’affaire des suicides à France Télécom devant la chambre de l’instruction en lui demandant d’examiner les liens entre les agissements de deux anciens cadres poursuivis et les victimes, une décision qui retarde la perspective d’un renvoi en procès, a appris l’AFP mardi de sources concordantes.
Alors que les juges d’instruction avaient terminé leurs investigations fin 2014, le parquet de Paris avait pris le 22 juin ses réquisitions de renvoi en procès, visant notamment l’entreprise et son ancien PDG, Didier Lombard, dans cette affaire vue par beaucoup d’observateurs comme le premier grand dossier judiciaire de harcèlement moral institutionnalisé.
Mais la Cour de cassation, saisie par certains mis en examen, devait encore se prononcer sur des points de procédure.
Deux anciens cadres, poursuivis pour complicité de harcèlement moral, contestaient leur mise en examen en affirmant que certaines des 39 victimes mentionnées dans le dossier ne relevaient pas de leur autorité hiérarchique ou de leur service.
Le 5 février, la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris avait rejeté leur demande. C’est cette décision qui a été cassée par la plus haute juridiction mardi dernier. Selon l’arrêt dont l’AFP a eu connaissance, la Cour de cassation a estimé qu' »une personne ne peut être mise en examen » pour complicité de harcèlement moral « qu’à l’égard d’une ou de plusieurs personnes déterminées ».
Elle ajoute que la chambre de l’instruction « devait rechercher (…) s’il existait à l’encontre des mis en examen, des indices graves ou concordants d’avoir été complices d’un harcèlement moral à l’égard » de chacune des victimes visées. Elle a donc renvoyé l’affaire devant une chambre de l’instruction composée d’autres magistrats, toujours à Paris.
Aux yeux de l’avocat d’un des deux cadres, Me Patrick Maisonneuve, « la position du parquet de Paris et des magistrats sur un harcèlement moral général et institutionnel est mise à mal ».
« La Cour de cassation vient de rappeler qu’il faut établir un lien de causalité direct entre le comportement de celui qu’on présente comme le +harceleur+ et la victime », a-t-il estimé.
Dans ses réquisitions, le parquet de Paris rappelle que « le harcèlement moral +institutionnel ou organisationnel+ n’existe pas en droit » mais vise néanmoins une politique d’entreprise délibérée, à partir de 2007, pour « créer un climat anxiogène et la déstabilisation des personnels dans le but de donner envie de partir » sans recourir aux méthodes légales et habituelles.
Le parquet demande le renvoi en procès pour harcèlement moral de France Télécom, de son ex-patron Didier Lombard et de deux autres dirigeants, ainsi que de quatre cadres pour complicité.