France : 2,2 actifs pour un retraité

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Source : cercledesepargnants.com (14 février 2017)

Bloomberg, groupe d’information financière américain, vient de présenter son « index » dans lequel sont comparés dans 178 pays, les ratios entre les personnes en situation de retraite et les personnes constituant la population active.

Nous avons à plusieurs reprises ces dernières semaines – notamment à la suite de la publication de la dernière enquête démographique de l’Institut National de la Statistique et des Etudes Economiques (INSEE) – publié des articles traitant de la démographie, et rappelé la portée de l’évolution de ces composants sur l’équilibre du système de retraites. Nous rappellerons brièvement que la France connaît depuis plusieurs années l’arrivée en retraite des générations issues du baby-boom, phénomène commun à tous les grands pays développés et auquel s’ajoute l’allongement de l’espérance de vie. Ce nombre de retraités croissant est rapporté à une population active qui elle est moins nombreuse et de plus en France, confrontée à un chômage de masse qui accroît les tensions sur les régimes de retraites dont les recettes sont insuffisantes à couvrir les besoins. Alors que le solde migratoire positif se tasse (en raison de départs d’actifs à l’étranger), le vieillissement de la population française accroît mécaniquement la part des inactifs face à des classes d’actifs moins nombreuses.

Avant d’analyser les résultats de l’enquête Bloomberg, nous présenterons la méthode retenue qui diffère des statistiques internationales : celles-ci pour établir ce ratio, rapportent le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus sur la population en âge de travailler comprise entre 15 et 64 ans. Or, les experts de Bloomberg considèrent que cet indicateur sous-estime la réalité. Selon eux, en moyenne dans les 178 pays observés, 66% des hommes arrêtent de travailler avant l’âge de 65 ans, et ce niveau atteint 78% en ce qui concerne les femmes. Par conséquent, ils ont décidé de retenir la législation, pays par pays, pour calculer l’âge de départ effectif en retraite. Pour la France, ils ont appliqué un âge de départ à la retraite de 61,6 ans.

Selon les résultats des travaux présentés par Bloomberg, la France compterait 2,2 actifs pour un retraité. Un résultat plus pessimiste que l’indicateur conventionnel qui présente un résultat supérieur : 3,2 actifs pour un retraité. C’est le cas de la plupart des pays, avec des amplitudes encore plus grandes. Nous pouvons citer l’exemple extrême du Nigeria qui passe ainsi de 19,4 actifs pour un retraité, à un résultat de 4,8. Avec 2,2 actifs pour un retraité, c’est la France, à égalité avec Singapour qui présente le plus mauvais ratio de ce classement. A titre de comparaison ce ratio est de 4,4 pour les Etats-Unis.

L’effort de prise en compte de la réalité du poids croissant des inactifs dans l’économie, nous paraît tout de même présenter quelques exagérations : d’abord l’âge estimé de départ apparait désormais légèrement inférieur à la réalité. D’autant qu’il ne prend pas en compte les évolutions à venir, telles que les récentes réformes de report de l’âge de la retraite et du fait que les nouvelles générations entrées plus tard en activité seront de moins en moins nombreuses à partir dans le cadre de carrières dites longues.

Si les travaux sur les retraites sont parfois abstraits et ne permettent pas aux non-initiés de mesurer l’ampleur du phénomène, la comparaison entre pays est extrêmement parlante. Occuper la tête de ce classement international n’est définitivement pas une bonne nouvelle pour ce qui concerne le financement de nos retraites.

Suzanne Kunkel, Professeur au département de Sociologie et Gérontologie à l’Université Miami d’Oxford dans l’Ohio, interrogée dans le cadre de ces travaux, estime que la démographie ne peut être ignorée, mais qu’il existe des solutions. Ces dernières doivent être culturelles, politiques et économiques. Nous la rejoignons sur ce point, si nous nous focalisons uniquement sur l’équation budgétaire, à paramètre constant, force est de constater qu’il n’existe pas de remède miracle. Les citoyens devront surement revoir leurs attentes en matière de retraite. Les décideurs devront proposer des alternatives ou des compléments, dans tous les cas couteux voire économiquement intenables. Si le vieillissement de la population mondiale est un fait, la dynamique qui s’opère est d’une intensité variable. Ainsi on estime que d’ici 2030 l’Asie connaitra une augmentation de sa population âgée de 71%, contre 55% pour l’Amérique du Nord et 31% pour l’Europe. Il n’existe donc pas une, mais plusieurs réalités. C’est vrai pour le domaine démographique, mais également économique et culturel. Si bien que les pays adopteront des réponses différentes au problème.

Alors que nous entrons en campagne, les candidats à la présidentielle commencent à développer leurs programmes pour les retraites. Face à la réalité que nous exposons, les propositions exprimées s’opposent entre elles surtout autour de l’âge légal de départ en retraite. On pourra rappeler qu’en France, l’âge de la retraite a été porté à 62 ans par la réforme de 2010. L’âge moyen progresse donc mais lentement. Celui-ci est de 65,4 ans en Allemagne, et de 66 ans pour les Etats-Unis. Si le ratio français est plus mauvais que celui du Japon ou de la Russie, où la démographie et la natalité sont réputées problématiques, il s’explique en partie par l’âge « précoce » de départ en retraite des Français. L’alignement progressif de l’âge du départ à la retraite sur celui de nos voisins, semble donc inévitable dans les années qui viennent. Le recours à une épargne complémentaire également.