Sans management direct, ces salariés d’Orange ont un chef fictif

Archives Les Brèves

Source : ouest-france.fr (13 mars 2017)

L’équipe de développeurs d’Orange, à Lannion, en Bretagne, travaille sans manager direct. Autonomes, ils se sentent impliqués et mieux informés. Pour les contacts avec d’autres services, ils ont quand même dû se créer un faux chef.

« On a un manager fictif… mais il n’est pas payé ! » sourit Stéphane Riou, développeur Androïd chez Orange à Lannion. Ce chef fantôme, l’équipe de neuf développeurs l’a appelé Robert Andal. S’ils s’en étaient remis au dictionnaire plutôt qu’au hasard, ils auraient pu choisir « Lola Cratie ». Puisque l’holacratie c’est ce que vivent ces salariés depuis bientôt 2 ans : ils bossent sans chef direct. Sans « N + 1 » comme on jargonne dans de nombreuses boîtes.

Quand Stéphane Riou a décidé de laisser tomber son rôle de chef d’équipe, il a suggéré à Orange de ne pas le remplacer. « Mes collègues étant tous d’accord, ça a été accepté par la direction ». La première équipe de sans-chef a vu le jour à Orange-Lannion. « On est sans doute la seule en France » car lors d’un séminaire interne où il a témoigné, nombre de managers ont eu l’air de découvrir que cette expérience d’entreprise « libérée » existe aussi dans leur groupe.

Qui est Robert ?

« En production, on a désormais un meilleur partage des connaissances des activités de l’équipe. En sachant ce que fait chacun, on se sent impliqué et on a une vision plus globale, » trouve Stéphane Riou. Ses collègues qui planchent sur des appli comme « Orange et moi », « Orange radio » ou encore « My Orange », opinent. « Au niveau du partage de l’information c’est mieux ! On discute davantage de la répartition des tâches sur nos projets. » estime une développeuse. « La gestion des objectifs est plus claire » ajoute Aurore Penault. Et de reconnaître que cette semaine,… c’est elle Robert Andal.

Car en fonctionnant sans chef, l’équipe s’est vite rendu compte « qu’on était parfois un peu plus lent pour répondre aux demandes d’autres services. Pour ces sollicitations, on a créé ce chef fictif, qui a une adresse mail. » Toutes les semaines, l’un des neuf développeurs endosse ce rôle sans avoir besoin de nouer un noeud de cravate… et gère la boîte mail de Robert Andal, ni vu ni connu.

Ces sans-chef posent leurs congés à leur guise. Ils vont à tour de rôle à certaines grands-messes… « ou pas. Car si personne n’est volontaire c’est peut-être parce que cette réunion ne sert à rien. En collectif on se pose plus la question de la pertinence » remarque Stéphane.

Congés, primes…

Si recrutement il y a, « deux personnes désignées parmi nous font passer l’entretien ». En revanche, Stéphane et ses collègues n’ont plus d’entretien individuel avec leur N + 1, alors que c’est ce face-à-face qui, pour les autres salariés d’Orange, influe sur les primes. « On fait le bilan collectif entre nous et on le présente au responsable du département. » L’équipe demande alors une prime globale, qu’elle répartit « avec le même pourcentage du salaire pour tous. » Comme à l’école des fans, tous la même note !Et pour les augmentations de salaire, c’est Un pour tous, tous pour un aussi ? « Là, on répartit l’enveloppe accordée en favorisant les plus petits salaires ».

Si l’équipe suscite de la curiosité, tous leurs collègues ne semblent pas prêts à sauter le pas. « Certains disent avoir besoin d’un manager. Parce que le chef direct, c’est aussi celui qui prend les coups à notre place ! » A les voir satisfaits de leur liberté au travail, nos holacrates n’ont pas l’air de punching-balls. Ou alors, c’est Robert Andal qui prend tout sur lui ?