« Gilets jaunes» sur le lieu de travail, ce que dit la loi

Revue de Presse

Source : lefigaro.fr. (30 novembre 2018)

Le mouvement des gilets jaunes touche tous les pans de la société. Jusqu’au monde de l’entreprise où ces manifestations sont néanmoins étroitement encadrées par le droit.

Quels métiers font exactement les gilets jaunes? Peuvent-ils à la fois manifester et se rendre au travail? Ont-ils le droit de manifester sur leur lieu de travail, et de revendiquer leur appartenance à ce mouvement? LCI rapporte l’histoire de ce manifestant, artisan paysagiste, a choisi par exemple de rouler à 20km/h lors de ses déplacements professionnels. Un autre, agent d’entretien, prend sur son sommeil pour manifester la nuit et travailler le jour.

Que penser du port du gilet jaune en entreprise? « La liberté de se vêtir à sa guise n’est pas une liberté fondamentale, explique Maître Éric Rocheblave, spécialisé en droit social. Néanmoins la restriction de la liberté individuelle d’un salarié, comme le code vestimentaire, doit être justifiée par la tâche à accomplir et proportionné au but recherché selon l’article L1121-1 du Code du travail. Ce peut-être le cas pour un vendeur en boutique ou une hôtesse de l’air, par exemple». En clair, sans uniforme imposé, ni exposition de l’image de l’entreprise à l’extérieur, libre choix au salarié de déambuler en gilet jaune dans les bureaux. Ce qui ne l’empêchera pas pour autant de susciter le débat et donc de perturber le lieu de travail, où les questions d’ordre politique doivent tenir le moins de place possible.

« Un salarié peut être sanctionné disciplinairement pour avoir participé à une manifestation»

Néanmoins, aucun employeur ne peut sanctionner son salarié pour avoir participé au mouvement de gilets jaunes en dehors de son temps de travail. Pas même en cas de proximité avec le lieu de travail ou d’impact indirect sur l’activité de l’entreprise. Dans certains secteurs, le mouvement des gilets jaunes a pourtant engendré des pertes de 40 à 80% du chiffre d’affaires selon le conseil du commerce de France (CDCF). Principalement à cause des blocages routiers, de magasins ou d’entrepôts. En 2008, la cour d’appel de Toulouse avait estimé qu’une société concessionnaire de l’exploitation d’autoroute avait licencié à tort un de ses employés, receveur péager, pour avoir participé à une manifestation piétonne sur cette même autoroute. Le trouble créé dans l’entreprise par la participation du salarié à une manifestation publique en dehors de son temps de travail, ne pouvait lui porter préjudice professionnellement, avait jugé la cour d’appel.

Toutefois, bloquer un entrepôt ou un magasin, spécifiquement en tant qu’employeur, est strictement encadré par la loi. « Un salarié peut être sanctionné disciplinairement pour avoir participé à une manifestation lorsque celle-ci a dégénéré en abus de la liberté syndicale et d’expression. Le salarié ne peut pas non plus entraver la liberté de travail des autres salariés, en bloquant l’accès par exemple», conclut Maître Éric Rocheblave. Manifester pour protester, oui. Pour nuire, non… Tel semble être le verdict de la justice.