Fonctionnaires : « L’objectif de 120.000 suppressions de postes n’est plus tenable»

Revue de Presse

Source : lefigaro.fr (26 avril 2019)

François Ecalle, spécialiste des finances publiques, voit « de moins en moins d’économies» et se dit « très inquiet de l’évolution des finances publiques».

Emmanuel Macron fait marche arrière sur les suppressions de postes de fonctionnaires. Durant la campagne présidentielle, il avait promis de supprimer 120.000 postes de fonctionnaires d’ici 2022 (50.000 postes dans la fonction publique d’État et 70.000 dans les collectivités locales). Mais jeudi soir, lors de sa conférence de presse, le chef de l’État s’est dit prêt à « abandonner» cet objectif « si ce n’est pas tenable». François Ecalle – spécialiste des finances publiques et président de l’association Fipeco.fr – analyse ce revirement.

LE FIGARO – Emmanuel Macron s’est dit prêt à « abandonner» l’objectif de 120.000 suppressions de postes de fonctionnaires. Que vous inspire cette annonce?

François Ecalle – Je suis très inquiet de l’évolution des finances publiques. Le gouvernement annonce 5 milliards de baisses d’impôts mais je vois de moins en moins d’économies en face, à part l’allongement de la durée de cotisation, qui n’est pour le moment qu’une piste. Je pense que le gouvernement ne fera plus beaucoup d’économies sur les dépenses publiques. Je rappelle que les prestations sociales représentent la moitié des dépenses publiques. La masse salariale de la fonction publique représente elle un quart des dépenses publiques. Le point d’indice est déjà gelé depuis 2010 et le gouvernement ne fera pas d’économies supplémentaires sur la politique salariale. La seule solution est de réduire les effectifs de la fonction publique mais beaucoup de mesures annoncées, comme le moratoire des fermetures d’hôpitaux et d’écoles, empêchent d’atteindre cet objectif.

L’objectif de 120.000 suppressions de postes n’est donc plus tenable?

Cet objectif n’est plus du tout tenable. Pour l’atteindre, il aurait fallu fortement accélérer. Sur 2018 et 2019, le gouvernement a supprimé moins de 5.000 postes dans la fonction publique d’État alors qu’il avait prévu d’en supprimer 50.000 avant la fin du quinquennat. Il y a un vrai tournant qui ne dit pas son nom, le gouvernement relâche les efforts budgétaires suite à la crise des « gilets jaunes», qui est une crise sociale inédite. Nous entamons un divorce entre le nord et le sud de l’Europe. Mais finalement, Emmanuel Macron n’avait peut-être pas le choix…..

Dans quels secteurs serait-il possible de supprimer des postes de fonctionnaires?

Les Français veulent moins d’impôts mais plus de services publics de proximité. Or les services publics n’ont pas déserté les territoires ruraux. On pourrait couper un peu partout, notamment dans l’éducation où il y a énormément de postes de non-enseignants, ou dans les collectivités locales. Dans tous les domaines, nous avons des dépenses plus élevées que nos voisins européens. La sécurité intérieure est le seul secteur où nous dépensons un peu moins que les autres pays. Par ailleurs, Emmanuel Macron dit qu’il va obliger les fonctionnaires des administrations centrales à aller sur le terrain mais il y a très peu de personnes dans les administrations centrales à Paris. Certains ministères, comme Bercy ou le quai d’Orsay, ont déjà été mis à contribution et nous avons besoin d’une administration centrale.