Harcèlement au travail : condamnation pour France Télécom et son ex-PDG

Revue de Presse

Source : lesechos.fr(23 décembre 2019)

Dans un jugement sans concession, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu, vendredi 20 décembre, un harcèlement moral «  institutionnel » du haut management sur l’ensemble des personnels de France Télécom à l’origine d’une vague de suicides il y a dix ans. Une première.

L’ancien PDG de France Télécom, Didier Lombard a été condamné à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15. 000 euros d’amende.

Le coup de semonce judiciaire est énorme  : ce vendredi 20 décembre le tribunal correctionnel de Paris  a condamné France Télécom et ses ex-dirigeants, dont l’ancien PDG Didier Lombard , pour  «  harcèlement moral » dû à la  «  politique d’entreprise », mis en oeuvre au début des années 2000, et qui a conduit aux suicides de plusieurs salariés.  «  Loin de se réduire à un conflit individuel, le harcèlement moral peut avoir ses racines profondes dans l’organisation du travail et dans les formes de management », a expliqué la présidente Cécile Louis-Loyant en citant Jean de La Fontaine  :   «  Ils n’en mourraient pas tous mais tous étaient frappés. »

Didier Lombard, l’ex-numéro 2 Louis-Pierre Wenès et l’ex-DRH Olivier Barberot ont été condamnés à un an de prison, dont huit mois avec sursis, et 15.000 euros d’amende. Ils ont immédiatement annoncé leur intention de faire appel. L’entreprise France Télécom – devenue Orange -, elle, ne fera pas appel de sa condamnation à 75.000 euros d’amende (l’amende maximale à l’époque des faits). Elle devra verser pour près de 5 millions d’euros de réparation aux 150 victimes qui s’étaient portées parties civiles dans ce dossier.

Ces  condamnations sont hautement symboliques   : pour la première fois, une société est condamnée pour  «  harcèlement moral institutionnel ». Certes, pour le tribunal,  «  il ne s’agit pas de critiquer les choix stratégiques d’un chef d’entreprise, notamment celui d’une politique de déflation des effectifs », mais il faut que celle-ci  «  demeure respectueuse du cadre légal et fixe un objectif accessible sans recourir à des abus ». Cependant,  «  les moyens choisis » pour atteindre l’objectif de 22.000 départs en trois ans fixé par le plan NExT en 2007-2008 par la direction de France Télécom  «  étaient interdits », assène le tribunal qui rappelle qu’ «  il faut concilier le temps et les exigences de la transformation de l’entreprise avec le rythme de l’adaptation des agents qui assurent le succès de cette transformation ».

Dans leur  décision implacable , les juges critiquent sévèrement la politique de réduction des effectifs  «  jusqu’au-boutiste » et  «  massive » menée par l’entreprise.  «  Il ressort de ces éléments que les années 2007 et 2008 ont été spécialement marquées par l’activation de trois leviers  : la pression donnée au contrôle des départs dans le suivi des effectifs ; la modulation de la rémunération de cadres d’un certain niveau en faisant dépendre, pour partie, la part variable de l’évolution à la baisse des effectifs de leurs unités ; le conditionnement des esprits des ‘managers’ au succès de l’objectif de déflation lors de leurs formations. […] En conséquence, les faits de harcèlement moral sont parfaitement établis sur la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008, période d’exécution du plan NExT », résume le tribuna