Coronavirus : les employeurs sont-ils obligés de protéger leurs salariés ?

Revue de Presse

Source : lesechos.fr (4 mars 2020)

Face à l’épidémie, beaucoup d’entreprises prennent des mesures pour éviter une contamination massive de leurs salariés. Une façon, également, de se prémunir contre d’éventuelles poursuites. Les explications de Sabrina Kemel, avocate spécialiste du droit du travail au cabinet FTMS.

Dans le cas du coronavirus, il convient d’interdire les déplacements dans des zones à risques, d’écarter les salariés susceptibles d’avoir été exposés, d’avoir recours au télétravail si cela est possible, ou de mettre à disposition des salariés des masques et des solutions hydroalcooliques. (Stock)

Alors que l’épidémie de coronavirus touche désormais l’Europe de plein fouet, les entreprises s’organisent pour protéger leurs salariés d’une contamination. Mais pour se prémunir d’éventuelles poursuites, elles doivent respecter certaines règles.

Quelles sont les obligations des entreprises ?

Les entreprises ont une obligation de sécurité en vertu de l’article L.4121-1 du Code du travail, et doivent donc veiller à protéger la santé et la sécurité de leurs salariés.

Dans le cas du coronavirus, il convient par exemple d’interdire les déplacements dans des zones à risques, d’écarter les salariés susceptibles d’avoir été exposés (car ils rentreraient d’une zone à risque), d’avoir recours au télétravail si cela est possible, ou de mettre à disposition des salariés des masques et des solutions hydroalcooliques. Les entreprises sont aussi susceptibles d’afficher des notes rappelant les précautions que chacun doit prendre (se laver les mains régulièrement, se signaler en cas de suspicion ou de retour d’une zone à risque, numéros d’urgence, etc.).

Je conseille également aux employeurs d’adapter le document unique d’évaluation des risques et de réunir les représentants du personnel et le médecin du travail, pour les informer des mesures prises. L’objectif étant, pour l’employeur, de faire le nécessaire afin de ne pas voir sa responsabilité engagée.

Quels sont les risques en cas de poursuites ?

Il existe plusieurs types de risques. Au civil, l’employeur peut être assigné devant un Conseil de prud’hommes pour manquement à la sécurité du salarié. Il n’est pas nécessaire ici que les salariés aient été contaminés  : leur exposition ou l’absence de mesures de protection prise par l’employeur suffisent. En revanche, l’existence d’un préjudice doit être démontrée.

Au pénal, un comportement négligent ou imprudent pourrait lui valoir des poursuites pour mise en danger de la vie d’autrui. Dans ce cas, les sanctions prévues peuvent aller jusqu’à 15.000 euros d’amende et un an de prison pour les personnes physiques, et jusqu’à 75.000 euros pour les personnes morales.

Voir reconnaître le coronavirus en maladie professionnelle est un troisième risque, même s’il est très limité dans le cas présent. Pour être reconnue d’origine professionnelle, il faut en effet que la maladie ait été causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne son décès ou une incapacité permanente d’un taux de 25 %. Or prouver que la maladie est «  essentiellement » et «  directement » causée par le travail est une tâche ardue lorsque l’on sait que le virus est dans l’air !

Quels sont les droits et obligations des salariés ?

Tout salarié, quelle que soit son activité, peut exercer son droit de retrait dès lors qu’ «  il a un motif raisonnable de penser » qu’une situation «  présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ». Si les entreprises prennent toutes les mesures nécessaires, il sera compliqué de légitimer un droit de retrait exercé de bonne foi. A l’inverse, si aucune mesure n’est prise ou de façon insuffisante, le droit de retrait pourrait être utilisé.

Mais les salariés ont, eux aussi, des obligations puisque chacun est tenu de prendre soin de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celle de ses collègues. Concrètement, dans ce contexte, cela passe par un certain devoir de transparence, notamment se signaler si on a été exposé à un risque ou, plus simplement, se laver les mains lorsqu’on arrive au sein de l’entreprise après avoir été dans les transports en commun. Un salarié qui violerait son obligation ou ne respecterait pas les règles d’hygiène mises en place par son employeur commettrait une faute pouvant le conduire jusqu’au licenciement.