Le Covid-19, maladie professionnelle qui ne dit pas encore son nom

Revue de Presse

Source : midilibre.fr (9 avril 2020)

Le virus devrait être considéré comme tel pour les soignants. En attendant mieux.

En conférence de presse, le 23 mars, Olivier Véran, le ministre de la Santé, s’est voulu à la fois rassurant et catégorique. ‘Aux soignants qui tombent malades je le dis : “Le coronavirus sera systématiquement et automatiquement reconnu comme une maladie professionnelle et c’est la moindre des choses.”’ Une annonce immédiatement confirmée par le n°1 du gouvernement Édouard Philippe : ‘Il n’y aura aucun débat là-dessus.’

Si personne ne doute (sic) de la parole des deux hommes, elle n’a pas encore été suivie des faits à ce stade. Plus que le cadre juridique (ordonnance, décret, loi…), c’est le périmètre des bénéficiaires de la future mesure qui pose semble-t-il questions au plus haut sommet de l’État. Faut-il le limiter aux seuls médecins et infirmier (es) ? Doit-on l’élargir aux aides-soignants, aux agents d’entretien ou de restauration des hôpitaux ? Voire au-delà des cabinets médicaux ou des murs d’un CHU ?

‘L’État a ouvert la boîte de Pandore’

L’Académie de médecine a tranché. Elle recommande que l’ensemble des travailleurs (salariés, indépendants…) des activités dites indispensables en cette période de crise (alimentation, transports, sécurité), atteints du Covid-19, soient considérés comme étant en maladie professionnelle. Une liste non exhaustive sur laquelle on pourrait donc retrouver les cuisiniers, brancardiers, éboueurs ou caissières des supermarchés…

Via un communiqué daté du 6 avril, la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France – ils sont 250 000 civils ou militaires, professionnels ou volontaires – soutient l’avis de l’Académie de médecine. Elle ne sera sûrement pas la seule.

‘L’État a peut-être ouvert la boîte de Pandore avec cette annonce, reconnaît Me Luc Kirkyacharian, avocat spécialisé dans le droit du travail. Mais il doit se montrer généreux et étendre le dispositif de façon massive. Inscrire le Covid-19 au tableau des maladies professionnelles ne suffira pas. Il faut plutôt identifier les lieux, les structures et les personnels touchés par la pandémie, comme on l’a fait à une époque pour l’amiante. Ça évitera un nombre important de procédures a posteriori.’

En attendant, l’avocat montpelliérain encourage tous les malades à ‘réunir les preuves de leur contamination’ pour pouvoir les produire au moment voulu devant une caisse primaire d’assurance-maladie ou le pôle social d’un tribunal judiciaire. Ça passe notamment par des attestations de chefs de service.

‘Beaucoup de choses, qui n’ont jamais été dites jusqu’ici, apparaîtront alors’, promet Me Kirkyacharian. Le dispositif, forcément rétroactif, et le délai de prescription (2 ans en l’espèce) devraient favoriser le nombre de dossiers. Dans les CPAM, on se tient prêt.

Licenciements, salaire, ancienneté…

La protection absolue contre le licenciement, le maintien du salaire (les indemnités journalières versées par les CPAM sont généralement majorées par rapport à un arrêt maladie classique), le remboursement des frais engagés, l’ancienneté qui continue de courir malgré la suspension du contrat de travail… sont garantis dans le cadre d’une maladie professionnelle. C’est à la victime (ou à ses ayants-droit), de solliciter la reconnaissance du caractère professionnel de sa maladie et d’en faire elle-même la demande auprès de la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) ou de la caisse de Mutualité sociale agricole (MSA) dont elle dépend. À compter de la réception de la déclaration, la caisse dispose d’un délai de 3 mois pour statuer. La non-réponse de la caisse dans ce délai vaut reconnaissance du caractère professionnel de la maladie.