Télétravail : chez Total, les salariés incités à venir au siège deux jours par semaine

Revue de Presse

Source : liberation.fr/ (3 novembre 2020 )

A l’inverse des recommandations du gouvernement, le géant pétrolier veut ainsi favoriser « l’accomplissement des tâches collectives» et « l’accès à des outils, informations ou documents disponibles sur site».

  • Télétravail  : chez Total, les salariés incités à venir au siège deux jours par semaine
    Chez Total, on a semble-t-il une vision assez souple du télétravail maximal exigé par le gouvernement dans le cadre du nouveau confinement. Vendredi, jour d’entrée en vigueur de ce nouveau tour de vis sanitaire, les salariés du siège du groupe pétrolier, logé dans une tour de la Défense à Courbevoie (Hauts-de-Seine), ont reçu une note détaillant la manière dont leur entreprise comptait appliquer les nouvelles mesures. Celle-ci commence par prendre acte de la mise à jour du protocole national s’appliquant à l’ensemble des entreprises, qui semble plutôt clair  : le télétravail « doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance», écrit le ministère du Travail dans ce document.

Dans le langage Total, cela donne ce passage  : « S’agissant des sièges et des bureaux, pour protéger la santé des collaborateurs, le télétravail est privilégié. Cependant parce que certaines activités nécessitent un travail en équipe et dans le souci de préserver le lien social, nous recommandons le travail présentiel à hauteur de deux jours par semaine afin de permettre, d’une part, l’accomplissement des tâches collectives (réunions de comités de management, réunions budgétaires, réunions de projets, bureaux d’études, bilans intermédiaires, réunions opérationnelles d’équipes…) et d’autre part, les activités nécessitant l’accès à des outils, informations ou documents disponibles que sur site (logiciels spécialisés, accès à des données sensibles, accès à des documents papiers…).»

« Une note tordue»

« C’est une note très intelligente, tordue pour entretenir une ambiguïté entre les consignes de l’Etat et le message adressé aux managers», réagit Geoffrey Caillon, délégué syndical central de la CFDT (Raffinage Pétrochimie) au sein du géant du CAC40. Selon lui, sur les 4 000 personnes fréquentant quotidiennement la tour de la Défense, presque toutes peuvent télétravailler 100% du temps. Ce qui était d’ailleurs le cas au printemps. Mais le gouvernement a bel et bien entrouvert des portes, dans lesquelles Total s’engouffre.

En effet, en mentionnant les « bureaux d’étude», le texte semble se conformer à l’un des assouplissements prévus par le gouvernement. Lors d’une conférence de presse jeudi, la ministre du Travail, Elisabeth Borne, a explicitement cité des cas où le télétravail pourrait ne pas être porté à 100% du temps, comme « dans un bureau d’études pour un ingénieur ou un technicien, ou pour un architecte qui a besoin d’équipements spécifiques pour travailler».

« Ce ne sont pas des salariés en demande qui viennent»

Chez Total, on affirme d’ailleurs à Libération s’inscrire « dans le strict respect du protocole national», en évoquant des tâches sur certains logiciels accessibles uniquement depuis les bureaux de la Défense. Et l’on invoque aussi, pour justifier ces deux jours recommandés, une réalité  : le télétravail imposé au printemps a pu entraîner chez de nombreux salariés un sentiment d’isolement, ainsi qu’un appauvrissement du lien collectif au sein des entreprises. Le protocole national en tire d’ailleurs une conséquence, en précisant que « les employeurs fixent les règles applicables […] en veillant au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l’isolement des salariés en télétravail». En recommandant que les travailleurs en question viennent sur site deux jours par semaine ? C’est ainsi que le groupe pétrolier, qui insiste sur la notion de volontariat, interprète ce passage.

Mais pour une organisation syndicale de Total, la formulation de la direction générale est hypocrite. « Si elle n’interdit rien, elle incite les managers à désobéir aux recommandations de l’Etat en imposant la règle de deux jours de travail en présentiel», estime le syndicat dans un communiqué adressé aux salariés lundi. Selon lui, « Total n’œuvre pas pour empêcher la propagation du virus à la hauteur de ses moyens. Son positionnement sur le télétravail est une posture politique de principe et non de santé publique nationale», sur fond de mesure des performances, d’objectifs chiffrés et de culture du présentéisme.

« Aujourd’hui, ce ne sont pas des salariés en demande qui viennent à la tour, ce sont des salariés contraints», ajoute Geoffrey Caillon. Qui s’amuse de l’appel lancé par Elisabeth Borne aux salariés à saisir l’inspection du travail si leur employeur n’applique pas la règle du télétravail maximal  : « Jamais l’inspection du travail n’ira se frotter à Total !» Le ministère le fera-t-il, à l’encontre d’une des plus grosses capitalisations du CAC40 ? En tout cas, il pourrait être contraint à une exégèse de son protocole afin de trancher les différentes interprétations qu’il semble permettre.

 

Mise à jour du mardi 3 novembre à 22h10 : Total a indiqué aux Echos qu’il allait mettre à jour sa note « très prochainement», afin de proposer,  « sur la base du volontariat», la possibilité à ses salariés dont l’activité le nécessite ou « dans un souci de préserver le lien social» de se rendre au bureau deux jours dans la semaine.