Télétravail : les premières sanctions contre les réfractaires bientôt appliquées

Revue de Presse

Source : journaldunet.com (5 novembre 2020 )

Le télétravail désigne le fait de travailler pour son employeur hors de l’entreprise. Cette forme d’organisation est de nouveau généralisée avec le deuxième confinement en France à compter du 29 octobre minuit. Quelles sont les exceptions ? Et les sanctions ?

[Mise à jour du jeudi 5 novembre 2020 à 10h29] Avec le reconfinement, le télétravail est redevenu la norme. Il doit s’effectuer systématiquement dès que possible. ‘Le télétravail n’est pas une option, a insisté la ministre du Travail Elisabeth Borne en conférence de presse le 29 octobre dernier. […] Un travailleur qui peut exercer toutes ses tâches en télétravail doit le faire cinq jours sur cinq. Ceux qui ne le peuvent pas parce qu’ils ont besoin d’équipements spécifiques pour travailler, comme les architectes, peuvent se rendre au travail ponctuellement.’ Ceux qui exercent des métiers qui ne peuvent s’effectuer à distance (BTP, intervenants à domicile…), eux, sont dispensés de télétravail. Il leur est nécessaire de disposer d’une attestation de l’employeur, qui est tenu d’aménager les horaires d’arrivée et de départ pour limiter l’affluence.

Le protocole national en entreprise a été adapté pour tenir compte de cette nouvelle règle. ‘Quand on inscrit une règle dans ce protocole, cela devient la traduction concrète de l’obligation de l’employeur d’assurer la santé des salariés’, a précisé la ministre du Travail lors de la conférence de presse interministérielle du 29 octobre. 

Cela revient-il à dire que le télétravail est obligatoire ? Pas au sens de la loi. ‘Seule une disposition législative impérative pourrait rendre le télétravail obligatoire mais la portée d’une telle mesure devrait être relativisée. En pratique, toutes les fonctions ne peuvent pas être réalisées en télétravail et, pour un fonctionnement optimal, la présence de certains est parfois indispensable. Dès lors, dans le cadre de son pouvoir d’organisation, l’employeur conserve nécessairement une marge d’appréciation dans les modalités de mise en œuvre du télétravail’, explique Vincent Manigot, avocat au département droit social du cabinet De Pardieu Brocas Maffei. Toutefois, selon l’avocat, l’employeur, qui rappelons-le est responsable de la sécurité de ses salariés, risque gros s’il ne généralise pas autant que faire se peut le télétravail dans son entreprise  : ‘L’employeur qui déciderait de ne pas mettre en œuvre le télétravail, lorsque cela est possible, pourrait voir sa responsabilité engagée pour un manquement à son obligation de sécurité, s’il est établi qu’il n’a pas mis en place un protocole sanitaire adéquate et que ses salariés ont été exposées à une situation de danger qui pouvait être évitée’.

Un discours qui ne devrait pas rester lettre morte très longtemps. Les premières sanctions devraient tomber dès la semaine prochaine, d’après BFMTV, avec des premiers contrôles de l’inspection du travail, avec des sanctions pouvant aller de la simple lettre d’observations au procès-verbal d’infraction adressé au Procureur de la République, en passant par le rapport à la Direccte afin que cette dernière procède à une mise en demeure de l’employeur de régulariser la situation. Le type de sanction retenu dépendra du ‘risque encouru par les salariés, de la situation de l’entreprise et son activité et de la qualité de son dialogue social’, détaillent nos confrères.

A noter que les partenaires sociaux ont engagé ce 3 novembre une négociation sur le travail à distance. Une seconde réunion est prévue le 23 novembre, et d’autres rencontres pourraient avoir lieu entretemps. L’objectif est d’aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI) à ce sujet. Les syndicats de salariés réclamaient une discussion sur le sujet depuis le printemps 2020, et avaient obtenu la fixation d’une date fin septembre. Selon les informations du Monde, les syndicats de salariés veulent élaborer un cadre applicable à l’ensemble des entreprises, alors que les employeurs y sont plus réticents. Si le télétravail dans des circonstances extraordinaires telles que l’épidémie actuelle doit être abordé, les négociations doivent aussi porter sur le recours au télétravail dans une situation plus normale. Le dernier ANI sur le sujet date de 2005, même si les ordonnances réformant le code du travail de 2017 ont apporté des modifications à ce sujet.


Le télétravail, obligatoire avec le confinement ?

Il est possible de se déplacer dans le cadre de son travail uniquement quand le télétravail est impossible. L’employeur doit alors délivrer une attestation dérogatoire permanente. Les travailleurs non-salariés, eux, doivent utiliser l’attestation de déplacement dérogatoire et choisir le premier motif de déplacement, afférent aux trajets professionnels. Pour rappel, en plus de l’attestation dérogatoire, se munir de toute pièce justificative permettant de prouver la nécessité du déplacement. ‘Pour les fonctionnaires et les travailleurs indépendants, la carte professionnelle fait foi’, a précisé le Premier ministre en conférence de presse.


Qu’est-ce que le télétravail ?

D’après l’article L1222-9 du Code du travail, le télétravail désigne ‘toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication’. On entend donc par télétravail toute forme de travail à distance s’effectuant notamment via une connexion Internet.

teletravail-fonctionnement<-] Comment se passe le télétravail ?

En télétravail, le salarié effectue le même temps de travail qu’en entreprise. Le salarié en télétravail doit respecter le temps de travail de son entreprise, être joignable sur les heures de travail de l’entreprise et respecter une pause de onze heures entre chaque période travaillée.


Qui a droit au télétravail ?

Tous les salariés ont droit au télétravail, y compris ceux qui sont à temps partiel. Toutefois, l’employeur est en droit de refuser les demandes de télétravail qui lui sont formulées, à condition de justifier ce refus.


Télétravail : que dit la loi ?

Le gouvernement a créé un droit au télétravail pour les salariés français dans la loi pour le renforcement du dialogue social, promulguée en septembre 2017. Le télétravail en entreprise est encadré par la loi. Il doit être mis en place dans le cadre d’un accord collectif ou, à défaut, dans le cadre d’une charte établie par l’employeur après consultation du comité social et économique. Si un accord ou une charte s’applique, ce texte doit notamment préciser :

  • Les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour en entreprise
  • Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail
  • Les modalités de contrôle du temps de travail et les plages horaires durant lesquelles l’employeur peut contacter le salarié en télétravail.
    En l’absence d’un accord ou d’une charte, le salarié et son employeur peuvent s’accorder pour recourir au télétravail. Ils doivent impérativement formaliser cet accord par le moyen de leur choix. Un courriel, par exemple, peut suffire.

Sauf circonstances exceptionnelles ou cas de force majeure (article L. 1222-11 du code du travail), comme dans le cadre de la crise sanitaire du coronavirus, le salarié doit être d’accord pour être en télétravail. Le fait de refuser d’être en télétravail ne peut pas constituer un motif de licenciement.


Télétravail après le 2 juin 2020 : l’employeur peut-il refuser le télétravail ?

Entre les deux confinements, l’employeur avait légalement la possibilité de refuser le télétravail à un salarié. S’il estimait que les conditions de reprise d’activité étaient conformes aux consignes sanitaires sur le lieu de travail décrites dans le protocole national de déconfinement, l’employeur pouvait donc refuser le maintien en télétravail. Mais, tout comme il devrait également le faire en temps normal, l’employeur avait alors l’obligation de motiver ce refus.


Télétravail et obligations de l’employeur

Les obligations de l’employeur vis-à-vis du salarié en télétravail sont multiples :  

  • L’employeur peut refuser le télétravail à un salarié qui occupe pourtant un poste qui permet d’en bénéficier (dans les conditions prévues par accord d’entreprise ou par charte). Cependant, l’employeur a alors l’obligation de motiver sa réponse, en démontrant, par exemple, pourquoi les tâches exercées sont incompatibles avec le télétravail
  • En ce qui concerne le matériel, l’employeur a l’obligation d’informer le salarié de toute restriction d’usage d’équipements, d’outils informatiques ou de services de communication électronique ainsi que des sanctions encourues en cas de non-respect de ces restrictions d’usage
  • L’employeur a enfin l’obligation d’organiser un entretien annuel avec le salarié en télétravail afin de revenir, entre autres, sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.


Droits du salarié en télétravail

Ce qui vaut pour les titres-restaurants vaut de manière générale : un salarié en télétravail bénéficie des mêmes droits individuels et collectifs que l’ensemble des salariés de l’entreprise, notamment en matière de :

  • Accès à la formation
  • Respect de la vie privée
  • Santé et sécurité au travail
  • Accès aux activités sociales de l’entreprise, aux informations syndicales, aux avantages sociaux (titres-restaurant, chèques vacances, etc.).
    Un salarié en télétravail doit avoir les mêmes droits qu’un salarié présent dans les locaux. A ce titre, il peut prétendre aux mêmes droits en termes de rémunération, de temps de travail, de congés payés… Le télétravailleur bénéficie également d’une affiliation au régime général de protection sociale ainsi qu’au régime de retraite complémentaire. Le salarié peut également demander le remboursement des frais liés au télétravail. Le salarié en télétravail a des droits, mais il a aussi des obligations : comme tous les salariés, le télétravailleur doit respecter les obligations fixées par son employeur et s’expose à des sanctions disciplinaires (comme l’avertissement ou encore la mise à pied) en cas de non-respect.