Source : lagazettedescommunes.com (25 juin 2021 )
Un projet d’accord relatif à la mise en œuvre du télétravail dans la fonction publique encadre plus précisément les règles de l’activité en distanciel. Et si des groupes de travail doivent encore avoir lieu, le texte devrait servir de fil rouge à la mise en place d’accords locaux notamment en termes de prévention des risques psychosociaux, de formation des encadrants ou du développement des tiers-lieux.
Le document n’est pas encore rédigé dans sa version définitive et ne recouvre aucune valeur juridique ou réglementaire auxquelles les employeurs territoriaux seraient tenus de se conformer. Néanmoins, le projet d’accord relatif au télétravail dans la fonction publique élaboré le 21 juin par le ministère de la Transformation et de la fonction publiques contient les principaux fondements auxquels pourront se référer les collectivités engagées dans un télétravail durable. Il devrait être signé le 1er juillet en présence d’Amélie de Montchalin, par les organisations syndicales et les organisations employeurs.
« Le télétravail répond aux principes du volontariat de l’agent, de l’éligibilité des activités et non du poste, et de la réversibilité », expose en préambule le projet de texte.
Outre les principes du volontariat de l’agent, le document rappelle l’impérative réversibilité du télétravail, de l’alternance entre le site de travail et le lieu où se déroule le travail à distance ou encore l’obligation pour l’employeur public de fournir l’accès aux technologies de l’information et de communication nécessaires. La quotité maximum de télétravail dans la fonction publique est fixée à 3 jours hebdomadaires pour un agent à temps plein.
Une attention particulière aux impacts sur la santé
D’abord pratiqué de façon contrainte durant la pandémie, le télétravail est en plein essor pour les agents dont l’activité s’y prête. Au fait de cet enjeu, le ministère rappelle aux signataires « qu’il est nécessaire de prendre en compte les aspirations d’un plus grand nombre d’agents publics souhaitant exercer une partie de leurs fonctions en télétravail et de considérer le télétravail comme un mode d’organisation parmi d’autres dans le cadre de l’accomplissement des missions de service public ».
Un engouement pour le télétravail qui semble également croissant dans la territoriale selon un sondage Casden/BVA, paru le 22 juin,
(1) puisque 24% des territoriaux souhaiteraient le pratiquer à l’avenir (19% ne le souhaitent pas, et 57% n’exercent pas de missions télétravaillables). S’agissant de ceux qui le pratiquent déjà, 84% des territoriaux interrogés affirment que la mise en place de cette organisation dans leur collectivité s’est déroulée sans encombre.
Face à cet essor, une attention particulière doit être accordée « aux impacts du télétravail afin d’en identifier les conditions et d’en maîtriser les risques pour qu’il trouve sa place au bénéfice des agents et du service public », rappelle le projet d’accord.
Ainsi, dans le cadre du télétravail, les collectivités devront, autant que faire se peut, renforcer le soutien organisationnel pour favoriser « la qualité des relations, de l’accompagnement de l’encadrement et des conditions de travail au domicile qui sont autant de facteurs qui permettent de prévenir les risques psychosociaux ». Le document rappelle par ailleurs l’obligation qui est faite aux employeurs d’appliquer les principes de prévention, de protection et de promotion de la santé de tous les agents publics. Un autre point de vigilance doit concerner la prévention des troubles musculosquelettiques ou « de fatigue oculaire accrue du fait de l’utilisation d’ordinateurs portables ».
Une prévention des risques physiques et psychiques qui doit être garantie par les encadrants en « travaillant de concert avec le réseau des acteurs de la prévention ». Les managers devant au préalable être formés et accompagnés.
La formation nécessaire des encadrants
Reconnaissant que « le management à distance nécessite une adaptation des pratiques managériales en fonction des missions et des spécificités de chaque versant », le projet d’accord préconise la rédaction de guides et de fiches pratiques par la DGAFP, basés sur la déclinaison du contenu du texte « pour aider les encadrants et les agents à s’approprier les nouveaux modes de fonctionnement issus d’une organisation hybride du travail ». Une relation de « confiance mutuelle » devra alors se nouer entre l’agent et l’encadrant, « construite elle-même sur l’autonomie et le sens des responsabilités nécessaires au télétravail ».
Pour l’ADF, dont le présent accord a retenu certaines propositions émises par son président Dominique Bussereau, la notion de formation des managers est un enjeu considérable. « Il faut absolument miser sur la formation des encadrants et pas seulement sur celle des managers de première ligne. Le N+1 de l’agent ne doit pas être le seul garant de l’efficacité de cette réorganisation du travail. Nous avons constaté que lors des grands chamboulements sur cette question, comme ce fut par exemple le cas des 35 h, le stress généré par les managers de proximité était très élevé », souligne un membre de l’association des présidents de départements.
Par ailleurs, « les collectivités ont tout de même pour rôle de mener une action publique locale et de proximité, donc télétravailler en continu n’est pas envisageable, rappelle de son côté Murielle Fabre, coprésidente de la commission fonction publique territoriale et RH à l’AMF. Il faut également veiller à maintenir le principe d’égalité entre les agents pour éviter la création d’une dichotomie entre les agents qui peuvent télétravailler et les autres ».
Partageant ce point d’attention avec l’AMF, l’ADF espère que le texte pourra « permettre de renforcer la culture et l’émergence de nouvelles organisations du travail. Cela va inciter, localement et au travers d’accords, à réfléchir à la qualité de vie, à l’usure et à l’équilibre entre vie professionnelle et personnelle », reprend encore ce membre de l’association.
Pour Murielle Fabre, l’esprit de la libre administration est ici respecté. « Ce document va donner un cadre formel tout en laissant la place à une application locale de l’organisation du télétravail. Nous sommes satisfaits que le dialogue social de proximité soit respecté ».
Pour les collectivités les moins acculturées, « une phase d’expérimentation » associant l’ensemble du collectif de travail, suivie d’un bilan présenté dans les instances représentatives, est préconisée avant toute signature d’accord.
Émergence des tiers-lieux
L’incitation au développement des tiers-lieux par les employeurs est également souligné dans le projet de texte. Manière de mailler plus efficacement le territoire, de rompre l’isolement de certains agents ou de créer des synergies entre différentes strates de la gouvernance locale, bien pensés et aménagés, les espaces de travail partagés pourraient être un atout pour les collectivités.
Le projet stipule que le télétravail peut être effectué dans des tiers-lieux, résultants « d’une mutualisation de locaux publics ou associatifs de différentes administrations, afin d’offrir aux agents une alternative au travail à leur domicile, de leur permettre de maintenir un lien social et de participer à la dynamisation de certains territoires ».
Une possibilité – dont les modalités d’aménagement restent à la charge de l’employeur – qui, encore une fois, emporte l’adhésion de l’ADF qui y voit un levier pour l’équilibre des territoires : « On pourrait tout à fait imaginer des maisons de service public qui accueilleraient un espace de travail partagé par les intercommunalités ou les départements. »
Une réunion avec la ministre Amélie de Montchalin qui se tiendra le 1er juillet doit aboutir à la signature finale de cet accord. L’occasion d’y ajouter le montant de l’indemnité forfaitaire des télétravailleurs de l’État et de l’hospitalière qui n’est pas encore figé. Son montant, plancher, pourra être instauré via une délibération par les employeurs locaux qui souhaiteraient en faire bénéficier leurs agents.