Télécoms : en Espagne, la casse sociale se poursuit

Revue de Presse

Télécoms  : en Espagne, la casse sociale se poursuit

Source : Latribune.fr (1er décembre 2021 )

Minés par une compétition féroce et des guerres de prix, les opérateurs Orange, Vodafone et désormais Telefonica, qui vient d’annoncer 2.000 suppressions de postes, taillent à la hache dans leurs effectifs.

En Espagne, le marché des télécoms s’est transformé en un bain de sang. Depuis quelques années, la compétition féroce et les guerres de prix plombent les opérateurs. Résultat  : tous ont engagé de lourds programmes visant à réduire leurs coûts, et donc leurs effectifs. Ce mardi, c’est Telefonica, l’opérateur historique espagnol, qui a levé le voile sur le sien. D’après le syndicat UGT, quelques 2.000 salariés sur un total de 18.500 devraient être poussés vers la sortie. C’est toutefois moins que ce que certains anticipaient  : mi-novembre, une source proche du dossier confiait à l’AFP que les suppressions de postes pourraient concerner entre 2.000 et 4.000 personnes… Pas de quoi, bien sûr, satisfaire UGT. Opposé à ce plan, le syndicat dénonce le  «  caractère abusif » de ces départs, qui concerneront les employés de plus de 54 ans et ayant au moins 15 ans d’ancienneté.

Telefonica, comme tous les opérateurs du pays, souffre d’une forte concurrence et de la percée des offres à bas prix. L’opérateur historique doit, en outre, composer avec une dette faramineuse de 25 milliards d’euros. Avant lui, son rival Vodafone a annoncé, au mois de septembre, vouloir se séparer de 515 collaborateurs. Ce qui représente 12% de ses troupes dans le pays. Vodafone justifie également son plan social par les guerres de prix qui ont entraîné  «  une forte baisse des revenus et une détérioration significative des marges ».

Un marché «  hypercompétitif »

Quelques mois plus tôt, courant mai, c’est Orange qui a annoncé la suppression de 15% de ses troupes, soit 485 emplois. Sa justification est identique à celles de Telefonica et de Vodafone. «  Le secteur des télécoms voit depuis des années ses revenus chuter en raison de l’hypercompétitivité du marché et de la multiplicité des acteurs low-cost », a argué le géant français des télécoms. Il juge alors  «  indispensable d’adapter les opérations afin de garantir la compétitivité de l’entreprise ».

Aujourd’hui, le marché espagnol des télécoms ressemble à  «  une machine à laver », constate Stéphane Beyazian, analyste chez Oddo. Plusieurs mouvements expliquent, selon lui, les difficultés du secteur. Il cite notamment l’essor de MasMovil, le quatrième opérateur ibérique. Celui-ci a pu se développer en rachetant, en 2015, une partie du réseau de fibre de Jazztel, au moment de l’acquisition de ce dernier par Orange. Il s’est aussi renforcé dans le mobile, en mettant la main sur l’opérateur mobile low cost Yoigo l’année suivante.  «  MasMovil, le ‘Free’ espagnol, a cassé les prix », constate Stéphane Beyazian, obligeant ses rivaux à réagir.  «  Il y a eu une multiplication des marques low cost chez les opérateurs, poursuit l’analyste. Tous en possèdent au moins cinq. »

Chute des revenus

Autre fait marquant  : à l’été 2018, Vodafone a perdu les droits de diffusion du football espagnol au profit de Telefonica.  «  Ils ont alors décidé de baisser leurs prix pour limiter l’hémorragie de clients, souligne Stéphane Beyazian. Orange a, en conséquence, été forcé d’ajuster aussi ses tarifs. » A cela, l’analyste ajoute que les consommateurs  «  ont pris l’habitude de chasser les promotions ».  «  Beaucoup changent d’opérateurs tous les ans, en fonction des dégriffes », explique-t-il.

De quoi plomber les revenus des opérateurs, lesquels  « baissent de manière ininterrompue depuis plus de dix ans », constate El Pais. Le quotidien espagnol souligne qu’en 2020, Telefonica a enregistré une baisse de chiffre d’affaires de 5,2% à 14,6 milliards d’euros. Orange a vu ses revenus dégringoler de 5,4%, à 5,1 milliards d’euros. Les ventes de Vodafone, elles, ont chuté de 3,4%, à 4,8 milliards d’euros. A contrario, les revenus de MasMovil ont fortement augmenté, de 16,2% à 2,2 milliards d’euros.

Bascule du marché

Pour sortir la tête de l’eau, Orange table, pour sa part, sur une réduction de son nombre de marques. Il cherche aussi à les rendre  «  convergentes », en proposant des offres mêlant Internet fixe et mobile.  «  Nous avons perdu énormément de clients pendant près de deux ans, a affirmé Ramon Fernandez, le directeur financier du géant français des télécoms, en avril dernier.  «  Le très gros problème que nous avons a eu en Espagne, c’est que nous avons été trop lent à nous adapter à une bascule extrêmement brutale du marché vers le milieu et surtout le bas de marché », a-t-il expliqué, précisant que la Covid-19 a constitué un accélérateur. Orange se dit confiant dans sa stratégie. Mais souligne qu’il faudra encore du temps pour redresser la barre.