Dans les télécoms, la féminisation est en marche

Revue de Presse

Source : business.lesechos.fr (2 mars 2022 )

Christel Heydemann chez Orange, Eva Berneke à la tête d’Eutelsat, Laure de la Raudière à l’Arcep… Ces derniers mois, plusieurs femmes se sont hissées aux avant-postes de cette industrie longtemps masculine. Mais des progrès restent à faire dans les métiers techniques et chez les autres opérateurs.

Une fois encore, Barcelone est depuis lundi la capitale mondiale des télécoms. Plus de 1.500 exposants de 180 pays, dont Orange, Telefónica, Verizon, Ericsson, Google et Meta, ont débarqué dans la capitale catalane pour le Mobile World Congress, le raout annuel de l’industrie. Y verra-t-on autant de costumes-cravates que d’habitude ? Si la question se pose, c’est que quelque chose est en train de changer dans les télécoms. Petit à petit, les femmes gravissent les échelons de ce secteur traditionnellement très masculin.

Plusieurs nominations récentes en attestent. D’abord celle de Christel Heydemann, qui succédera à Stéphane Richard le 4 avril prochain à la tête d’Orange, en tant que directrice générale. Même si un président doit encore être recruté (l’Etat actionnaire ayant opté pour une dissociation des fonctions de président et de DG), jamais l’opérateur aux 42 milliards d’euros de chiffre d’affaires n’avait été dirigé par une femme.

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« Sa nomination a galvanisé les forces féminines d’Orange. La révolution est en marche ! » se réjouit Elizabeth Tchoungui, directrice exécutive chargée de la RSE chez l’opérateur. Dans ce domaine, Orange est déjà plutôt bon élève : deux femmes, Fabienne Dulac et Mari-Noëlle Jégo-Laveissière, dirigent respectivement les activités France et Europe.

Le problème des métiers techniques

Chez Eutelsat, l’opérateur de satellites, la Danoise Eva Berneke vient de remplacer Rodolphe Belmer, parti chez Atos. Et depuis un an, même l’Arcep, le régulateur des télécoms, est dirigé par une femme : l’ex-députée Laure de la Raudière. Une double première pour cette institution longtemps « tenue » par des hommes sortis de Polytechnique, comme son prédécesseur, Sébastien Soriano.

Même s’ils restent dirigés par des hommes, les concurrents d’Orange progressent eux aussi. Ainsi Iliad et Bouygues Telecom n’ont pas un, mais une secrétaire générale, un poste clé dans cette industrie régulée et en forte prise avec l’Etat.

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La messe pourtant est loin d’être dite, notamment chez les plus petits opérateurs. Et chez les « gros », les choses se corsent quand on descend dans les étages. Si la parité est presque atteinte dans certains métiers (fonctions support, relation client…) ce n’est pas du tout le cas sur les fonctions techniques : pose de la fibre, maintenance des réseaux, etc. Chez Orange, le taux de féminisation sur ces postes n’est que de 20 %, et 25 % chez Bouygues Telecom.

Les « demoiselles du téléphone »

Image « technique », voire « aride », des télécoms, « autocensure » des candidates, concurrence des start-up… Les raisons qui ont longtemps fait des télécoms un « boys club » sont multiples. La faible féminisation des écoles d’ingénieurs joue aussi à plein. Aujourd’hui, Télécoms-Paris ne compte que 22 % de jeunes filles (contre 17 % en 2019), même si l’objectif est d’atteindre 30 % en 2030. « Plus les écoles sont bien classées, moins il y a d’élèves femmes », constate Nicolas Glady, le directeur de l’école. « Cela fait 30 ans que tout le monde mène des actions de sensibilisation en amont, dans les collèges et les classes prépas, mais ça ne change rien. »

Historiquement, les femmes sont pourtant étroitement associées au développement du téléphone. Dès le début du XXe siècle et jusque dans les années 1970-1980, ce sont elles qui connectent manuellement les appels sur les énormes centraux téléphoniques. Même Netflix a remis à l’honneur ces « demoiselles du téléphone » dans sa série « Las Chicas del Cable », avec en toile de fond le Madrid des années 1920. Les compétences requises (confidentialité, courtoisie, etc.) correspondaient alors davantage aux stéréotypes féminins.

« A la Direction des Télécoms de Paris, sous les PTT dans les années 1970, 10.000 femmes assuraient la connexion des appels internationaux. En revanche, il n’y avait aucune ingénieure » se souvient Richard Toper, PDG de Setics et expert des télécoms. Et pour cause : le concours de Polytechnique n’a été ouvert aux femmes qu’en 1972 ! En 1988, le ministère des PTT devient France Télécom, mais les télécoms sont encore un service public. Les postes de direction reviennent alors aux diplômés des grands corps de l’Etat.

L’ouverture du secteur à la concurrence en 1996 entrebaille certaines portes. Il faut alors « marketer » des offres fixes et mobiles, communiquer auprès du public, ce qui oblige à créer de nouveaux postes. Mais les équilibres globaux ne changent pas. Si Bouygues Telecom compte 40 % de collaboratrices, deux salariés sur trois chez Orange et Altice France (la maison mère de SFR) sont… des hommes