Les télécoms renouent avec la croissance après une décennie maudite

Revue de Presse

Source : lesechos.fr (12 avril 2022 )

L’année 2021 a marqué un tournant pour les opérateurs français. Les revenus du secteur sont repartis à la hausse après dix ans de baisse. Si la parenthèse ouverte par l’irruption de Free Mobile se referme, les défis financiers restent importants.

Le rebond tant attendu est enfin là. En 2021, les revenus des opérateurs télécoms français ont enregistré une hausse de 2,5 %, à 36 milliards d’euros – selon les chiffres publiés par le régulateur. Le tournant est historique, après une interminable dégringolade. Au début des années 2010, le lancement de Free sur le mobile et la brusque chute des prix qui s’en est suivie a marqué le début d’une décennie maudite pour le secteur.

En dix ans, et en dépit de l’utilisation toujours croissante des réseaux, le tarif des abonnements français n’a cessé de baisser pour s’établir parmi les moins chers du monde. Les opérateurs y ont laissé des plumes. Entre 2010 et 2020, le marché des télécoms tricolore a perdu un cinquième de sa valeur – soit plus de huit milliards d’euros évaporés – ou plutôt «  rendus aux Français en pouvoir d’achat » selon la terminologie qu’affectionne Xavier Niel.

Rebond marqué du mobile

Cette érosion a davantage concerné l’activité mobile. Entre son plus haut de 2010 et son plus bas de 2018 (en pleine guerre des promotions), le chiffre d’affaires des activités mobiles aura perdu plus de 5 milliards d’euros. Mais l’an dernier, ces revenus sont repartis fortement à la hausse (+5 % en un an). Pour la première fois en huit ans, les recettes du mobile sont même repassées devant celles du fixe. La principale raison en est l’augmentation du prix des abonnements. En échange de forfaits plus généreux en Go de données, les opérateurs ont tous fait remonter les tarifs.

L’arrivée de la 5G – quoiqu’encore peu plébiscitée par les consommateurs – a aussi constitué un levier pour faire payer le client plus cher (parfois en lui forçant légèrement la main comme lorsque SFR effectue automatiquement la bascule moyennant 3 euros de plus sur la facture mensuelle).

Engouement pour la fibre

Quoique moins spectaculairement, l’embellie de 2021 a aussi touché le fixe (+0,4 %). «  Depuis la crise Covid, les clients sont davantage prêts à payer pour la qualité et la fiabilité des connexions, explique Paul Desjonquères, analyste au cabinet Arthur D. Little. C’est également vrai pour les entreprises ».

Les Français sont donc nombreux à faire le choix de la fibre optique. En dépit des raccordement chaotiques dénoncés par le régulateur, la fibre est généralement synonyme de débits beaucoup plus rapides que l’ADSL et de moindres dérangements par rapport au réseau cuivre vieillissant d’Orange. L’engouement est incontestable  : 4 millions de foyers supplémentaires se sont abonnés à la fibre en 2021, en dépit de son prix plus élevé.

Pris en étau

«  C’est grâce aux investissements importants que nous avons réalisé dans la fibre et la 4G que le secteur repart de l’avant », estime Michel Combot, le président de la Fédération française des télécoms. De fait, alors même que leurs revenus s’effondraient, les dépenses des opérateurs dans le déploiement des réseaux se sont envolées – frôlant les 12 milliards d’euros en 2020, contre environ 7 milliards dix ans plus tôt.

Cela ne s’est pas fait sans douleur. Pris en étau entre des revenus en baisse et des dépenses en hausse, «  les opérateurs se sont réorganisés drastiquement  : moins d’employés, plus de mutualisation, etc., remarque Michel Combot. Avec des conséquences que l’on voit sur la fibre aujourd’hui ».

La filière ne s’estime donc pas sauvée par le timide retour à la croissance de 2021. «  Il faudra voir si c’est durable, prévient Michel Combot. Il y a encore du chemin avant de revenir aux revenus de 2010 ». Les «  telcos » ne changent donc pas de credo. Pour continuer à investir dans leurs infrastructures, ils réclament un allégement de la fiscalité spécifique au secteur et une mise à contribution des Gafa. De ce point de vue, 2021 n’a pas marqué de tournant.