« Télétravail : ne déménage pas qui veut ! »

Revue de Presse

Source : Extrait Le Monde.fr (20 avril 2022)

Le choix de la province pour un poste dont l’activité se trouve en Ile-de-France, qu’il soit fait à l’initiative de l’employeur ou du salarié, doit obtenir l’accord des deux parties pour ne pas finir aux prud’hommes, rappelle dans sa chronique Anne Rodier, journaliste au « Monde ».

Carnet de bureau. L’occasion d’améliorer son cadre de vie grâce au télétravail, en s’installant à la campagne ou dans une ville proche de sa famille, n’a échappé à personne. Des salariés ont sauté le pas, organisant leur déménagement entre deux confinements, voire avant, parfois même à l’étranger, mais sans toujours obtenir l’approbation explicite de leur employeur. C’est le cas d’Henri (le prénom a été changé), parti s’installer en Bretagne à la naissance de ses jumeaux.

L’encadrement n’a pas apprécié, et lui a demandé de revenir en région parisienne. Le dossier est allé aux prud’hommes, puis à la cour d’appel de Versailles, qui, le 10 mars, a confirmé le licenciement « pour cause réelle et sérieuse en raison de la fixation de son domicile en un lieu trop éloigné [442 km] de ses lieux d’activité professionnelle », à Carrières-sur-Seine, dans les Yvelines.

« La convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme protège le libre choix du domicile personnel et familial », rapporte pourtant l’arrêt de la cour d’appel de Versailles. C’était l’argument juridique d’Henri, qui avait également précisé « ne jamais avoir été en retard » et souligné qu’ « il passait moins de 17 % du temps au siège de l’entreprise ». Mais l’employeur a justifié son désaccord au nom de la santé du salarié, à cause des « contraintes supplémentaires de trajet ».

Les entreprises aussi ont cherché à tirer avantage des nouveaux modes de travail, en déployant leurs recrutements à travers la France, quand les candidats manquaient dans leur région. Adsearch, une filiale du groupe intérimaire Adequat, a ainsi mis en test « une équipe pilote délocalisée en province. On avait un vrai problème de recrutement sur Paris, explique Arnaud Brun, directeur général d’Adsearch. Cinq personnes ont été implantées à Aix-en-Provence, bien qu’elles gèrent l’activité conseil en recrutement cadres d’Ile-de-France. Elles ont un double rattachement : hébergées et accompagnées sur place par l’équipe d’Aix, elles dépendent d’un manageur parisien pour la stratégie commerciale ».

Camille Brunet est l’une d’entre elles. A l’origine consultante à Paris, elle avait passé six ans en Australie avant d’être recrutée par Adsearch pour monter cette « équipe pilote ». « Depuis le Covid, les entretiens avec les candidats et les clients se font beaucoup plus en visioconférence. J’ai un rattachement opérationnel avec le siège parisien qui se traduit par des réunions mensuelles, où s’organisent les échanges entre les manageurs. A la même fréquence, je monte à Paris pour rencontrer les clients qui me confient des missions de recrutement. Mais si le poste avait été à Paris, jamais je n’aurais signé le contrat de travail. J’ai deux enfants. On est rentrés d’Australie pour être proches de la famille qui est dans le Sud », témoigne Camille, 34 ans, Manager Sales, spécialiste du recrutement numérique chez Adsearch.
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