Source : votreargent.lexpress .fr (23 juin 2015)
Le Medef tente depuis février d’imposer des abattements temporaires sur les complémentaires des salariés qui partiraient à la retraite dès 62 ans. Après quatre mois de négociations avec les syndicats, aucun accord n’a été trouvé. .
Réunis lundi pour négocier l’avenir des retraites complémentaires Agirc et Arrco, syndicats et patronat ont décidé… de ne rien décider ! Pas tout de suite en tout cas. Les partenaires sociaux ont convenu de se retrouver de nouveau le 16 octobre. Et ils l’annoncent d’emblée : les discussions pourraient se prolonger encore au-delà.
Rappelons que ce cycle de négociations syndicats /patronat a été lancé en février. Objectif : se mettre d’accord sur des mesures permettant de rééquilibrer les comptes de ces régimes, gérés non pas par le gouvernement mais par les partenaires sociaux. A force de déficits, l’Agirc et l’Arrco risquent en effet d’épuiser leurs réserves financières. Le patronat a présenté une série d’idées il y a quatre mois mais n’est pas encore parvenu à trouver un compromis avec les syndicats. Sa proposition phare est d’appliquer des abattements temporaires et dégressifs sur les pensions complémentaires des salariés partant dès l’âge légal de la retraite (62 ans), pour les inciter à attendre.
Y a-t-il « extrême urgence » ?
Ces régimes ne sont pas à quelques mois près. Ils puisent pour l’instant dans leurs réserves chaque année pour combler la différence entre leurs recettes (les cotisations) et leurs dépenses (les pensions) et peuvent continuer à verser l’intégralité des pensions dues. Si rien n’est fait, on estime que les réserves de l’Agirc (qui ne concerne que les cadres) seront épuisées en 2018, celles de l’Arrco (à la fois pour les cadres et les non-cadres) dans une dizaine d’années.
Sur le plan financier, ce ne serait donc pas catastrophique si un accord ne devait survenir que dans plusieurs mois. Mais pour les assurés qui attendent l’issue des négociations, c’est une autre affaire ! Le suspense devient difficile à supporter pour ceux prenant leur retraite dans les années qui viennent et qui pourraient être concernés par les abattements. Le Medef propose en effet que la première génération visée soit celle née en 1957, à partir de 2019. Dans à peine quatre ans… Pour ceux là et les suivants, impossible pour l’instant de se projeter, de calculer ce qu’ils toucheront s’ils partent à 62 ans, et donc de décider de leur date de départ. « Nous sommes souvent interpellés », raconte Eric Aubin, de la CGT, les salariés « ne savent pas à quelle sauce ils seront mangés ». « Chaque semaine, on a des dizaines de messages de syndiqués » qui s’interrogent, renchérit Philippe Pihet, de Force ouvrière.
En quoi consistent les abattements proposés ?
Au fil des mois, le patronat a modifié sa proposition. Jusqu’ici, il était question d’appliquer des abattements dégressifs jusqu’aux 67 ans du retraité, en cas de départ dès 62 ans. Dans le dernier texte présenté aux syndicats, les abattements cessent désormais à 65 ans et les taux ont été revus légèrement à la baisse : ce serait 30 % à 62 ans, 20 % à 63 ans, 10 % à 64 ans. Les retraités exonérés de CSG seraient épargnés, et les malus seraient moindres (15, 10 et 5 %) pour ceux qui la paient au taux réduit. Ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui partent à 60 ans se verraient appliquer les malus jusqu’à leurs 63 ans, pas 65.
Difficile toutefois d’imaginer un compromis où figureraient au final de tels taux… Rappelons qu’un accord doit être signé par au moins trois syndicats pour entrer en vigueur. Or, parmi ces derniers, certains, comme la CGT, sont radicalement opposés aux abattements. Si d’autres ne sont pas contre le principe, ils refusent des taux élevés. La CFDT, par exemple, est prête à discuter s’ils ne dépassent pas 10 %, a répété Jean-Louis Malys, son « monsieur retraites ». (Pour un salarié non cadre dont la complémentaire constitue 30 % de la pension totale, un abattement de 10 % sur la pension Arrco engendre une perte de 3 % de pension totale.) Le hic, c’est que le Medef veut des abattements dissuasifs, à même d’inciter vraiment à reporter le départ à la retraite… Ca coince !
Quelles autres mesures pourraient être actées ?
Difficile, aussi, d’imaginer un accord où il ne serait pas question de hausse des cotisations. Tous les syndicats réclament en effet un effort des entreprises – c’est l’autre pierre d’achoppement de ces négociations. Si le sujet n’est « pas tabou », a redit Claude Tendil, le négociateur du Medef, « augmenter les charges reviendrait à augmenter le chômage dans la conjoncture actuelle ». Il a donc, lundi, à nouveau refusé de céder aux syndicats sur ce point. Notez qu’en cas de hausse des cotisations, les salariés seraient également touchés, via les cotisations salariales.
Si les partenaires sociaux parvenaient à se mettre d’accord sur les abattements et les cotisations, tout porte à croire qu’ils s’entendraient avec moins de difficultés sur les mesures suivantes, aussi sur le tapis :
– un report du 1er avril au 1er novembre de la revalorisation annuelle des complémentaires ;
– une désindexation des pensions de 2016 à 2018 (le Medef propose une revalorisation égale à « l’inflation moins 1,5 point », sans pouvoir être négative) ;
– une hausse du coût d’acquisition des points de retraite complémentaire pour les actifs (donc une baisse du rendement des régimes pour les futurs retraités) ;
– une proratisation de la pension de réversion selon la durée du mariage.
Il restera encore à régler la question de la fusion des régimes Agirc et Arrco…
Et si aucun accord n’est trouvé ?
Si les partenaires sociaux ne peuvent s’entendre et qu’ils laissent les réserves s’épuiser, les régimes ne seraient certes pas « en faillite » mais ils ne pourraient plus verser, en pensions, que ce qu’ils touchent, en cotisations. Selon des estimations d’octobre 2014, les pensions Agirc baisseraient alors de 10 à 13 % environ à partir de 2019 et les pensions Arrco d’environ autant à partir de 2028.