Temps de trajet : temps de travail ou temps de repos?

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Source : lexpress.fr (2 Octobre 2015)

Le temps de trajet entre le domicile et le lieu de travail du salarié doit-il être rémunéré? Comment gérer les rendez-vous professionnels à l’extérieur? La récente décision de la Cour de justice européenne peut-elle faire bouger les lignes? On fait le point.

Par définition, le temps de travail est la période durant laquelle le salarié est : au travail ; à la disposition de l’employeur ; et dans l’exercice de son activité (fonctions). Trois conditions cumulées qui soulèvent la question du temps de déplacement.

Ce que dit la loi

Légalement, le temps de trajet (aller et retour) entre le domicile du salarié et son lieu de travail n’est pas considéré comme du temps de travail effectif, et n’est donc pas rémunéré. Par conséquent, un salarié qui habite loin de son entreprise ne pourra pas réclamer de contrepartie financière pour le temps passé dans les transports.

Dans le cas de rendez-vous à l’extérieur de l’entreprise, une indemnisation peut être envisagée si les déplacements font partie intégrante du travail du salarié. Qu’il soit commercial, manager ou responsable de l’export, le salarié qui doit partir de chez lui plus tôt ou rentrer plus tard pour ses voyages d’affaires (en train ou en avion) peut bénéficier d’une indemnisation. Ces dépassements horaires ne sont pas considérés comme du temps de travail effectif mais « peuvent donner lieu à une contrepartie financière ou un repos compensateur », précise Maï Le Prat, avocate au cabinet Verdier Le Prat. Autre cas de figure : si un employé est à son bureau puis se déplace pour un rendez-vous ou une réunion à l’extérieur, ce temps sera considéré comme du temps de travail effectif. Pour les travailleurs itinérants, qui, par définition, n’ont pas de bureau fixe, la question est posée depuis l’arrêt du 10 septembre 2015 de la Cour de justice européenne.

Fixer les contreparties

Les contreparties (complément salarial ou repos) peuvent être prévues dans la convention collective de l’entreprise ou appliquées de façon unilatérale par l’employeur, selon l’usage ou via une note de service. Par contre, la mention d’une indemnisation sur les temps de trajets considérés comme temps de travail effectif est peu répandue dans les contrats de travail. « Le sujet est difficile à contractualiser et reste donc marginal dans cet outil », souligne Maï Le Prat.

Dans la majorité des cas, rien n’est prévu pour distinguer le temps de déplacement hors du cadre normal. « L’employeur connait son activité et sait si des déplacements ont lieu pour ses salariés. Il est alors pertinent d’anticiper plutôt que de ne rien prévoir et laisser sa population cadre autonome », conseille Maï Le Prat.

Un employé qui se déplace quelques fois dans l’année ne bénéficiera peut-être pas de dispositions légales pour son dédommagement et ce sera aux deux parties, le salarié et l’employeur, de se montrer souples.

Et en cas de litiges?

La question du temps de trajet considéré comme temps de travail effectif ressort majoritairement quand il y a litige entre le salarié (qui se considère lésé) et son employeur. « La majorité des condamnations à indemnisation du volume d’heures de temps de trajet intervient dans le cadre de ruptures de contrat dans lesquelles l’indemnisation des heures supplémentaires est abordée », précise l’avocate. C’est ensuite au plaignant de veiller à bien distinguer temps de travail et temps de déplacement dans sa requête car la nature juridique de l’indemnisation est différente. Un dédommagement du temps de travail donnera lieu à un salaire, donc à des charges pour l’employeur. Tandis qu’une contrepartie pour le temps de trajet se fera sous forme d’indemnité.

Sans vigilance sur ce sujet, l’employeur risque une condamnation pour indemnisation du volume d’heures effectuées. A l’image de cette affaire récemment plaidée. Une entreprise dont les cadres se déplaçaient sur des salons étrangers avait pour habitude de faire récupérer les heures de déplacement de ses salariés en repos compensatoire. Or un salarié licencié pour faute grave avait trente heures de récupération non prises à son compteur et a fait la demande de les faire figurer dans son solde de tout compte. Pour Maï Le Prat, nul doute que le juge lui accordera cette indemnisation.