Télécoms : l’Arcep bientôt dotée d’un pouvoir de perquisition

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Source : lesechos.fr (3 juillet 2016)

La loi République numérique vient renforcer l’autorité et les prérogatives du régulateur des télécoms.

Voilà une nouvelle qui ne va pas réjouir les opérateurs télécoms. L’Arcep, le régulateur des télécoms, va bientôt être dotée d’un pouvoir de perquisition. La commission mixte paritaire, qui examinait mercredi 29 juin le projet de loi pour une République numérique, a mis dans son texte final toutes les dispositions nécessaires pour réactiver ce pouvoir, qu’a déjà l’Arcep depuis sa création (c’était alors l’ART), mais qui, jamais utilisé, était devenu inopérant.

« Jusqu’à présent on était beaucoup arbitre. On était éduqué en permanence par le marché. Mais avec la neutralité du Net, il existe un risque de pratiques occultes et on pourrait avoir un déficit d’information », plaide Sébastien Soriano, président de l’Arcep.

« Il nous a paru important d’avoir cette menace de perquisition. Mais je tiens à rassurer, nous ne sommes pas là pour contrôler en permanence », précise-t-il. Ce pouvoir de perquisition est le même que celui de l’Autorité de la concurrence et de la CNIL. Il passe donc par une ordonnance.

Le simple fait de le posséder s’avère en général assez dissuasif. « Autrefois, il est arrivé à l’Arcep d’appeler Orange pour leur dire « on arrive », raconte un bon connaisseur. La menace a été suffisamment utile, il n’a pas été nécessaire de la mettre à exécution. »

A ce stade, le texte de loi pour une République numérique ne devrait plus être modifié. Il lui reste à passer le vote solennel des deux assemblées et la validation du Conseil constitutionnel. Après quoi, la loi pourrait être promulguée vraisemblablement courant août.

Le texte renforce aussi le pouvoir de sanction de l’Arcep. Cantonné jusqu’à présent au Code des postes et des télécommunications, le régulateur devient aussi le gendarme du Web. Charge à lui de faire respecter par les opérateurs télécoms les principes de neutralité du Net, qui sont en train d’être précisés au niveau européen, et seront retranscrits dans les législations des différents pays membres.

Des sanctions financières s’appliqueront

Parmi ces principes figurent notamment le traitement égal et non discriminatoire du trafic Internet et le droit de tout utilisateur, consommateur ou acteur de l’Internet, de diffuser et d’accéder aux informations et contenus de son choix. Le régulateur scrutera à la loupe les pratiques commerciales des opérateurs pour vérifier qu’il n’y ait aucun accroc.

n cas de non-respect des règles, des sanctions financières s’appliqueront, pouvant aller jusqu’à 3 % du chiffre d’affaires des groupes fautifs et 5 % en cas de récidive. Enfin, le projet de loi porté par Axelle Lemaire devrait aussi reconnaître à l’Arcep le statut d’autorité administrative indépendante (AAI), ces institutions de l’Etat chargées, en son nom, de réguler des secteurs jugés essentiels.

Le gendarme des télécoms avait été reconnu comme tel par le Conseil constitutionnel lors de sa création en 1996, mais jamais par la loi, contrairement à d’autres AAI, comme l’AMF, l’Autorité de la concurrence, l’Autorité de sûreté nucléaire. « Nous étions jusqu’à présent la fille illégitime du Parlement « , s’amuse un cadre de l’Arcep. Cette bizarrerie est en passe d’être réparée. Un symbole fort pour le régulateur.