Loi Renseignement : les réticences d’Orange

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Source : nextinpact.com (13 avril 2015)

On a beau chercher sur son site, la Fédération Française des Télécoms conserve un silence poli sur le projet de loi sur le renseignement. Stéphane Richard, le patron d’Orange, s’est cependant inquiété des versants techniques du texte, puisqu’il autorise expressément une intervention directe sur les infrastructures des fournisseurs d’accès, notamment.

La semaine dernière, lors de son audition en commission des affaires culturelles, le numéro un d’Orange a été questionné sur le projet de loi sur le renseignement. À cette occasion, Stéphane Richard a émis deux considérations de principe. Orange se dit tout d’abord « assez réticent à l’idée de voir s’installer dans nos réseaux, des équipements étrangers à l’entreprise. C’est un risque de rupture de la capacité de maintenance et d’architecture cohérente d’un réseau. Il faudra bien réfléchir à cela parce qu’avoir dans nos propres réseaux des équipements que nous n’opérons pas de fait, qui sont opérés par des personnels extérieurs à l’entreprise, c’est un sujet très très compliqué et qui comprend un certain nombre de risques ».

Le patron d’Orange fait ici référence aux fameuses « boîtes noires », en fait un système informatisé placé sur les tuyaux des FAI (mais également les serveurs des hébergeurs ou sur les sites des éditeurs) qui tentera par une analyse des flux de détecter la présence d’une potentielle menace terroriste. L’expression « boîte noire » n’est pas issue de l’imagination fertile des opposants, mais avait été soufflée par un des conseillers techniques du gouvernement pour justement mettre en avant l’absence de visibilité par les acteurs du Net.

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Après l’inquiétude, l’assurance

Dans le même temps, Richard se rassure en soulignant que les procédures seront soumises à des contrôles stricts, notamment de la part de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information, l’ANSSI. Sans vouloir rentrer dans les débats entre la pêche au chalut et la pêche à la mouche, il concède aussi qu’on est « face à une explosion considérable des échanges » où les services du renseignement doivent bénéficier des moyens pour s’adapter à ces nouveaux usages. « Vous savez bien qu’il y a aujourd’hui plus de 90 % des affaires – y compris de terrorisme – qui sont aujourd’hui élucidées grâce aux moyens de surveillance des communications électronique », ce qui est selon lui, « un enjeu de sécurité majeur ». En face, il faut cependant assurer un équilibre avec le respect de la vie privée. Sur ce point, Richard juge que c’est « plus dans la mise en œuvre que dans les dispositifs eux-mêmes qu’on pourra rechercher ces équilibres qui ne sont pas toujours faciles en regardant ce qui se passe en dehors de notre pays. »

Les débats autour du texte commenceront aujourd’hui 16h30 entre les députés. Déjà, une manifestation est organisée notamment à Paris à 12h30 devant l’Assemblée nationale. Plusieurs hébergeurs menacent quant à eux de quitter la France en cas d’adoption. Octave Klaba, fondateur d’OVH, l’a d’ailleurs redit dans Les Échos : « Nous avons annoncé un plan d’investissement de 400 millions d’euros sur trois ans. Nous devons décider d’ici à septembre comment répartir cette somme et où investir. Si la loi est votée, nous irons mettre nos serveurs ailleurs. »