La casse sociale s’amplifie dans le secteur des télécoms en France

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Source : Extrait de ilemonde.fr (28juillet 2016)

Coup de massue dans le secteur des télécommunications : SFR, deuxième opérateur français, veut supprimer plus de 5 000 emplois. L’objectif affiché par la direction des ressources humaines est de ramener l’effectif total de l’entreprise à « 9 000 personnes à la fin 2017 », contre 14 300 actuellement, c’est-à-dire faire partir un tiers de salariés en CDI. La direction a précisé que ce chiffre pourrait évoluer en fonction des négociations, tout en confirmant sa volonté de « réorganisation du groupe ». Les syndicats sont effarés par l’ampleur de ces réductions d’emploi, mais s’attendaient à une décision de ce type alors que le principal actionnaire, Patrick Drahi, avait dénoncé des « sureffectifs ».

Emplois, revenus : un secteur en tension depuis 2010

Ce n’est pas la première fois que des suppressions d’emploi massives sont annoncées dans les télécoms, secteur fortement concurrentiel et en tension depuis plusieurs années. Selon les données de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), près de 10 % des emplois ont été supprimés depuis 2010, alors que les revenus se sont taris, passant de 43,4 à 35,9 milliards d’euros en cinq ans.

Plus de 11 300 emplois supprimés dans les télécoms depuis 2012

Chez France Télécom, un dégraissage méthodique dès 2007

L’opérateur historique, France Télécom (actuellement Orange), qui représente encore plus de 80 % des emplois dans le secteur, a lancé dès 2006 un plan de mutation visant à se séparer de 22 000 personnes, soit un cinquième des effectifs. Non sans heurts, puisque l’entreprise a compté 60 suicides en trois ans. La direction de l’époque a été mise en examen dès 2012 pour harcèlement moral.

Toutefois, le mouvement de baisse d’effectif se poursuit, puisque Orange est passé en 2015 sous le seuil symbolique des 100 000 salariés en France.

En dix ans, Orange a perdu plus de 20 % de ses effectifs

En 2012, l’arrivée de Free déstabilise le secteur

Alors qu’Orange, SFR et Bouygues Telecom se partageaient le marché du mobile, un quatrième opérateur, Free, a fait une entrée fracassante en janvier 2012 avec des forfaits à prix cassés. Quelques mois plus tard, un rapport parlementaire alertait sur la « crise » dans les télécoms. Son auteur, la députée (PS) Corinne Erhel, avait détaillé les plans de départ volontaire chez Bouygues Telecom, SFR, France Télécom, en précisant que « seul Free, qui a logiquement créé des emplois du fait du lancement de son activité mobile, échappe à cette tendance à la réduction de la masse salariale ».

De fait, l’entreprise de Xavier Niel (actionnaire à titre personnel du Monde) a vu ses effectifs augmenter, même si une récente enquête de Politis y dénonce aussi des méthodes de management brutales.

Free a plus que doublé ses effectifs en France depuis 2010

Bouygues réduit la voilure mais repousse des fusions

Bouygues Telecom, qui était le plus petit opérateur avant l’arrivée de Free, a logiquement souffert le premier de cette nouvelle concurrence. Dès 2012, l’opérateur, jusqu’alors très rentable, est passé dans le rouge, et a lancé une première vague de départs volontaires concernant 600 salariés. L’année suivante, la suppression de 1 400 emplois était annoncée.

La question de la concentration des acteurs du secteur a alors commencé à se poser. Le retour à l’ancien système à trois opérateurs, présenté comme plus protecteur des marges et plus favorable à l’investissement, a été présenté par plusieurs acteurs comme la solution à adopter.

Orange a ainsi proposé de racheter Bouygues Telecom, mais son offre a été repoussée. Celle de SFR, d’un montant de 10 milliards d’euros, a aussi été écartée en juin 2015. Orange est revenu à la charge en janvier avec une proposition de fusion qui s’est soldée par un échec trois mois plus tard.

Près de 1 900 emplois perdus chez Bouygues Telecom

SFR sous pression depuis le rachat par Numericable

En 2014, le groupe Vivendi, maison mère de SFR, a tenté de se défaire de l’opérateur. Repoussant l’offre du groupe Bouygues, il a finalement cédé l’entreprise à un « petit poucet », Numericable, pour 13 milliards d’euros. Cette acquisition a été financée par l’endettement puisque le câblo-opérateur ne valait alors que 6,4 milliards d’euros.

Altice, maison mère de Numericable, a rapidement imprimé sa marque sur SFR, en changeant les équipes dirigeantes et les méthodes de management. Lors du rachat, Patrick Drahi, PDG d’Altice, s’était engagé à ne pas mettre en place de plan social jusqu’au 1er juillet 2017. Toutefois, selon les syndicats, la souffrance de certains salariés a déjà abouti à 1 200 départs en dix-huit mois. Et de nombreux autres devraient suivre, selon le plan stratégique présenté par la direction aux syndicats.