Présidentielle 2017 : ce que proposent les candidats pour le numérique

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Source : Extrait de latribune.fr (28 mars 2017)

Contrairement à l’élection présidentielle de 2012, les principaux candidats de 2017 – sauf Marine Le Pen, très imprécise sur le sujet – intègrent dans leur vision de l’avenir de la France les enjeux de la transformation numérique de l’économie et de la société. Si certains sujets font consensus, les diverses sensibilités politiques s’expriment sur les questions de souveraineté, de fiscalité, de financement de l’innovation, d’inclusion par le numérique ou encore dans le domaine de la culture. Décryptage.

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JEAN-LUC MÉLENCHON – La France insoumise

Profiter des opportunités offertes par le numérique, mais lutter contre l’ubérisation et contre les menaces sur le travail, l’emploi et la souveraineté de la France. Telle est la philosophie de Jean-Luc Mélenchon pour « rendre le continent numérique au peuple ». Le premier homme politique à avoir utilisé un hologramme dans un meeting, le 5 février dernier, axe ses propositions sur la lutte contre l’hégémonie des géants américains (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft, Uber, Netflix…), la promotion des modèles alternatifs et l’accompagnement des citoyens.

Ses 10 mesures phares :

Lutte contre l’optimisation fiscale et les pratiques anti-concurrentielles des géants américains du Net ; développer l’économie collaborative.
Création d’un standard « clair et lisible » de description des CGU (conditions générales d’utilisation) pour mieux informer les citoyens sur l’utilisation de leurs données personnelles par les plateformes.
Généralisation du logiciel libre pour les administrations et les établissements publics, fin des contrats entre Microsoft et l’État dans l’éducation et la défense.
Généralisation de l’open data.
Suppression de la loi Hadopi, réforme du droit d’auteur pour créer un « système de rémunération global de la création » via une cotisation liée à l’abonnement Internet; défense de la neutralité du Net.
Création d’une plateforme publique d’offre légale en ligne de contenus culturels (musique, films).
Suppression du méga-fichier d’identité TES, lutte contre la surveillance généralisée des citoyens par l’État, soutien au chiffrement.
Protection des lanceurs d’alerte, nationalité française à Edward Snowden et Julian Assange.
Couverture en très haut débit du territoire d’ici à 2022.
Suppression du Crédit impôt recherche (CIR) remplacé par « un financement fléché » vers des programmes précis… qui restent encore à définir.

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EMMANUEL MACRON – En Marche !

L’ancien ministre de l’Économie s’inscrit clairement dans la continuité du quinquennat de François Hollande, dont il partage en partie le bilan numérique. Ses propositions font ressortir trois grandes priorités : amplifier la dynamique de l’innovation, réformer le fonctionnement de l’État et utiliser le digital dans tous les pans de l’action publique.

Ses 10 mesures phares :

Investir 10 milliards d’euros, issus de son plan d’investissements de 50 milliards d’euros, pour « redéfinir l’action publique », avec l’objectif en 2022 de réaliser 100% des démarches administratives en ligne. Création d’un « compte-citoyen » en ligne pour rassembler sur une même plateforme tous ses droits.
Création d’un « service public numérique de la justice » pour les citoyens et leurs avocats ; outils numériques d’aide à la décision pour les juges.
Stratégie d’inclusion numérique : création d’une « plateforme numérique collaborative » pour les handicapés (accès aux diplômes facilité, partage des bonnes pratiques locales), création d’un réseau d’accompagnement numérique sur tout le territoire pour les populations les plus fragiles.
« Stabilité et visibilité » en matière fiscale pour développer l’innovation : « sanctuarisation » des dispositifs existants (Crédit impôt recherche, Crédit impôt innovation, dispositif Jeunes Entreprises Innovantes), renforcement du rôle de Bpifrance pour faciliter la transformation numérique des PME et TPE.
Usine du futur : création d’un Fonds pour l’industrie et l’innovation de 10 milliards d’euros, financé par la vente d’actions dans des entreprises possédées de manière minoritaire par l’État.
Création d’un « droit à l’expérimentation » pour faciliter le test de nouvelles solutions en permettant aux entreprises de déroger provisoirement aux dispositions en vigueur.
Création d’un Fonds européen de financement en capital-risque de 5 milliards d’euros pour les startups ; renégociation du Privacy Shield ; création d’une Agence européenne pour la confiance numérique chargée de réguler les grandes plateformes numériques américaines.
Télémédecine, e-santé : simplification des procédures d’autorisation et de mise sur le marché pour stimuler l’innovation.
Culture : créer un « Netflix européen » ; Pass Culture d’un montant de 500 euros financé par les distributeurs et les grandes plateformes numériques, destiné à tous les jeunes à partir de 18 ans pour accéder aux activités culturelles de leur choix via une application.
Poursuite du Plan France Très Haut Débit (PFTHD).

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BENOÎT HAMON – Parti socialiste

« Il y a ceux qui pensent que le progrès technologique va permettre d’augmenter les profits et les richesses, et ceux qui, comme moi, considèrent qu’il doit améliorer la vie des gens », expliquait Benoît Hamon au Parisien le 16 mars. Le candidat issu de la primaire de la gauche place les transformations économiques et sociétales au coeur de son programme, notamment l’évolution du travail. Pour lui, le numérique est un levier, dans tous les secteurs, pour résorber les inégalités et créer « un futur désirable ».

Ses 10 mesures phares :

Taxe sur les robots pour financer un Fonds de transition travail (FTT) dédié à la formation au retour vers l’emploi des personnes dont le travail est désormais effectué par une machine intelligente.
Création d’un statut de l’actif pour lutter contre « l’ubérisation débridée » et assurer à tous le même niveau de protection sociale.
Renforcement du rôle de Bpifrance pour aider les TPE-PME-PMI ; création d’une monnaie alternative inter-entreprises pour leur permettre de s’échanger des services sans mobiliser leur trésorerie.
3 % du PIB dédié à la recherche et développement ; création d’un Crédit innovation sociale.
Numérique pour tous : stratégie d’inclusion numérique, très haut débit fixe et mobile partout.
E-démocratie : co-construction de certaines lois avec les citoyens ; budget participatif au niveau national ; protection des lanceurs d’alerte au niveau européen.
Plan « Hôpital digital 2022 ».
Garantir la loyauté des algorithmes et la neutralité du Net, mieux protéger des données personnelles.
Soutien à l’entrepreneuriat culturel, aux biens communs de la connaissance.
Taxe sur les bénéfices détournés des multinationales, obligation de transparence fiscale aux entreprises.

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FRANÇOIS FILLON – Les Républicains

La vision du candidat de la droite sur le numérique est dominée par les enjeux économiques et de souveraineté. Très peu de propositions sur la culture, l’éducation, l’inclusion numérique et l’edémocratie. En revanche, François Fillon compte s’appuyer sur l’Europe pour tenir à distance les géants américains. En France, ses propositions visent avant tout à « libérer l’innovation » et à simplifier l’administration.

Ses 10 mesures phares :

Construire une « véritable souveraineté numérique européenne » : porter un programme d’appels à projets européens dans l’intelligence artificielle et la blockchain ; accepter des dérogations aux règles de la commande publique en cas d’enjeux d’autonomie stratégique et de cybersécurité.
Créer un écosystème franco-allemand puis européen du financement de l’innovation : fonds souverain, banque publique d’investissement, « NASDAQ » franco-allemand.
Renégocier le Privacy Shield et le Règlement européen sur les données personnelles (RGPD).
Éducation : transformer le cours de technologie du collège en cours de « culture numérique » ; recruter des enseignants en informatique ; introduire un module numérique dans toutes les formations supérieures.
Mener des états généraux de l’économie et de l’innovation, qui aboutira sur un grand plan de rattrapage/accompagnement des PME/PMI pour leur transformation numérique.
Refonte du compte entrepreneur investisseur, développement des actions gratuites et des stocks options pour les salariés.
Orienter davantage l’épargne vers le financement des PME innovantes et des fonds de capital-risque.
Refinancer le Plan Très Haut Débit (qui coûte déjà 20 milliards d’euros) pour accélérer le déploiement de la fibre d’ici à 2022 ; initier un « Plan 5G ».
Dématérialiser toutes les procédures administratives d’ici à 2022 : créer un identifiant numérique unique auprès de toutes les administrations : poursuivre la démarche d’open data dans les services publics.
Télémédecine et e-santé : faciliter le déploiement des objets connectés de santé, déployer le big data et l’intelligence artificielle dans la santé, simplifier le parcours des soins grâce à des plateformes de services numériques.

MARINE LE PEN – Front national

Contrairement aux autres candidats, le numérique est la dernière roue du carrosse dans le programme de Marine Le Pen, qui n’y consacre qu’une dizaine de propositions sur 144. La candidate d’extrême-droite se distingue par une approche très vague, généraliste, se contentant d’égrener quelques grandes orientations sans aller dans le détail. Ses propositions – dont certaines ne modifient que très légèrement l’existant – se concentrent sur la protection des données personnelles, le financement de l’innovation et la culture.

Ses 10 mesures phares :

Créer « une charte à valeur constitutionnelle » incluant la protection des données personnelles ; obliger les entreprises à stocker les données de leurs clients dans des serveurs localisés en France.
Créer un secrétariat d’Etat consacré aux mutations économiques, rattaché au ministère des Finances, pour anticiper les évolutions du travail.
Établir une « nouvelle régulation » pour préserver une concurrence loyale, avec les secteurs concernés.
« Fixer » l’innovation en France : une entreprise qui reçoit des aides publiques ne pourra pas se vendre à une société étrangère pendant dix ans.
Financement : recentrer le Crédit impôt recherche (CIR) vers les PME et les startups ; diriger une part de l’assurance-vie (2 %) vers le capital-risque et les startups ; inciter les grands groupes à créer leur propre fonds d’investissement dans les entreprises innovantes.
Augmenter de 30 % le budget public de la recherche.
Moderniser le système de santé grâce aux startups.
Fusionner la carte Vitale biométrique avec la carte d’identité pour lutter contre la fraude.
Supprimer Hadopi et « ouvrir le chantier de la licence globale ».
Soutenir l’investissement dans le très haut débit.