Lutte contre le harcèlement sexuel : la désignation de nouveaux référents dans l’entreprise s’impose t

Revue de Presse

Source : boursorama.com(19 février 2019)

Lutte contre le harcèlement sexuel : la désignation de nouveaux référents dans l’entreprise s’impose

La loi n. 2018-771 du 5 septembre 2018 pour « la liberté de choisir son avenir professionnel » poursuit la lutte contre le harcèlement sexuel, dans le sillage de la loi du 3 aout 2018.

En particulier, l’un des apports majeurs de cette loi « Avenir professionnel » est la création d’une nouvelle obligation pour les entreprises : depuis le 1er janvier 2019 s’impose la désignation de nouveaux acteurs ayant des missions spécifiques en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. Ces figures intégreront désormais la liste des interlocuteurs classiques des salariés au sein de l’entreprise.

I. Une nouvelle figure au sein du CSE

Aux termes de l’article L 2314-1 alinéa 4 modifié du Code du travail, un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes doit être désigné par le comité social et économique (CSE) de l’entreprise, parmi ses membres, sous la forme d’une résolution adoptée à la majorité des présents. Son mandat prendra fin avec celui des membres élus du CSE.

Une telle disposition s’applique pour toutes les entreprises quel que soit leur effectif, y compris donc pour le CSE des entreprises entre onze et cinquante salariés. La désignation de ce référent peut être effectuée soit dès le 1er janvier 2019, si le CSE est déjà mis en place, soit au moment de la composition de différentes commissions pour les CSE élus courant 2019.

La loi sur l’Avenir professionnel vise donc à créer une nouvelle figure spécifique, alors que les institutions représentatives du personnel étaient déjà les interlocuteurs classiques en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et moral, les délégués du personnel et le CSE disposant déjà d’un droit d’alerte en ce domaine.

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En l’absence de CSE, comme le texte de la loi n’impose pas la désignation du même référent parmi les délégués du personnel, le comité d’entreprise ou le CHSCT, pour l’instant les salariés pourront continuer de s’adresser aux délégués du personnel. Il convient de préciser que les représentants du personnel dans toutes les entreprises d’au moins onze salariés devront nécessairement être remplacés par un CSE d’ici fin 2019.

II. Un salarié référent dans les entreprises de 250 salariés

Le nouvel article L 1153-5-1 du code du travail dispose en effet que dans les entreprises dont l’effectif est d’au moins 250 salariés, un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes doit être désigné parmi les salariés. Dans ces entreprises qui doivent justifier d’un CSE, les deux référents coexisteront.

La loi ne pose aucune indication ni aucune limite concernant la question de savoir qui peut ou ne peut pas être nommé référent. On pourrait aisément supposer qu’en pratique le référent soit un membre du service des ressources humaines, voire le responsable RH, ou encore un salarié chargé de la prévention des risques psychosociaux dans l’entreprise.

III. Le rôle du référent

L’objectif est de permettre aux salariés victimes d’agissements sexistes ou sexuels de savoir vers quelle personne se tourner pour obtenir des conseils face à cette situation. Ce référent sera chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés victimes. Il sera donc un interlocuteur précis auquel s’adresser pour dénoncer les faits et aura pour rôle de déclencher les procédures appropriées en interne visant à mettre fin à une telle situation ou d’alerter les personnes habilitées à intervenir. Il lui appartiendra en outre de constituer des dossiers pour chaque dénonciation, qui pourront par la suite être utilisés à titre de preuve dans le cadre d’un litige contentieux.

Ce référent a droit à la formation nécessaire à l’exercice de cette mission générale en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail, financée par l’employeur sous certaines conditions qui seront définies par décret.

IV. L’obligation d’informer les salariés

L’article L 1153-5 du Code du travail prévoit que l’employeur doit délivrer une information complète et effective du texte de l’article 222-33 du Code pénal prévoyant les sanctions applicables en cas de harcèlement sexuel, ainsi que depuis le 1er janvier 2019, les voies de recours civiles et pénales qui sont ouvertes en matière de harcèlement sexuel et les coordonnées des autorités et des services compétents.

Les destinataires de cette information sont les salariés, les personnes en formation ou en stage et les candidats à l’embauche, à une formation ou à un stage. Elle peut être faite par tout moyen, tels les courriels, l’affichage, la remise de documents papiers, la diffusion sur l’intranet de l’entreprise, etc., et doit être délivrée dans les lieux de travail et les locaux dans lesquels il est procédé à l’embauche.

Le décret 2019-15 du 8 janvier 2019 en son article 2 a introduit le nouvel article D 1151-1 du Code du travail qui dresse la liste des autorités et services compétents en matière de harcèlement sexuel et rend donc cette obligation d’information pleinement applicable. L’information délivrée par l’employeur doit ainsi préciser l’adresse et le numéro d’appel :

– du médecin du travail ou du service de santé au travail compétent pour l’établissement ;

– de l’inspection du travail compétente, en indiquant le nom de l’inspecteur compétent ;

– du Défenseur des droits ;

– du référent désigné dans les entreprises d’au moins 250 salariés pour orienter, informer et accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes;

– du référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes désigné par le comité social et économique (CSE) parmi ses membres.

V. Quid des sanctions ?

Bien que la loi du 5 septembre 2018 ne prévoie aucune sanction spécifique en cas de manquement de l’employeur à ces obligations, il convient de rappeler que dans le cadre de son obligation de prévention et conformément à l’article L 1153-5 du Code du travail, l’employeur doit mettre en œuvre toute mesure nécessaire pour prévenir l’apparition du harcèlement sexuel et en mettre fin dès qu’il en a connaissance. En effet, au cas où un salarié serait victime de harcèlement, l’employeur ne peut être exonéré de sa responsabilité civile que s’il démontre avoir pris toutes les mesures de prévention prévues par les articles L 4121-1 et L 4121-2 du Code du travail, notamment des actions d’information et de formation, et d’avoir mis fin au harcèlement dès qu’il en a été avisé. Cette possibilité pour l’employeur de s’exonérer de sa responsabilité en cas de harcèlement moral a été établie par la chambre sociale de la Cour de cassation notamment par un arrêt du 1er juin 2016 (n. 14-19.702).