Retraite des fonctionnaires : repousser l’âge limite à 70 ans

Revue de Presse

Source : ifrap.org (5 septembre 2019)

Depuis la réforme de 2008, les salariés du secteur privé ont le droit de repousser leur départ en retraite jusqu’à 70 ans, sans que leur employeur puisse les contraindre à partir plus tôt. Alors que la réforme de 2008 visait à rapprocher les régimes spéciaux du régime général, les fonctionnaires et les contractuels de la fonction publique étaient restés en dehors cette règle du régime général : pour eux, le gouvernement de l’époque avait décidé de passer l’obligation de départ de 65 à 67 ans… en 2022 !

Comprendre les raisons de ce nouveau particularisme souligne les inconséquences de la gestion des ressources humaines des trois fonctions publiques, et doit permettre de les corriger. 

  1. C’est un avantage pour le salarié
    Pouvoir choisir sa date de départ en retraite jusqu’à 70 ans constitue bien un avantage pour le salarié qui reste libre de son choix. Dans la fonction publique, c’est d’ailleurs reconnu depuis longtemps, puisque seuls de hauts fonctionnaires (ex. professeurs d’université, directeurs d’administration) s’étaient fait attribuer cette possibilité depuis toujours. Un droit en théorie soumis à l’approbation de leur employeur, mais quasi automatique en pratique. Et une disposition surprenante, laissant entendre que les hauts responsables arrivent moins fatigués à 65 ans que leurs subordonnés.
  1. C’est un problème pour l’employeur
    Laisser à chacun le droit de choisir sa date de départ en retraite jusqu’à 70 ans, complique la gestion des ressources humaines. Pendant 8 ans, l’employeur ne sait pas s’il peut investir dans la personne ou s’il doit former quelqu’un pour le remplacer, et perd un moyen simple et gratuit d’adapter ses effectifs à ses besoins. Même si d’un point de vue de gestion budgétaire, cela complique les choses et rend plus compliqué la prévision des comptes, il est curieux qu’en 2008, les responsables politiques aient imposé sans hésiter cette contrainte aux chefs d’entreprise, sans l’imposer à la fonction publique.     
  1. Les syndicats de fonctionnaires sont contre
    Si en 2008, la mesure n’avait pas été étendue aux fonctionnaires, c’est en partie pour ne pas heurter les syndicats  : 1) partisans du partage du travail ; 2) voulant maximiser la population de leurs adhérents dans la durée (un jeune fonctionnaire de 22 ans sera certainement en poste de fonctionnaire pendant 40 ans) ; et 3) soucieux de minimiser la possibilité pour la sphère publique de réduire ses dépenses.  
  1. Les  employeurs des fonctionnaires sont contre
    Dans leurs collectivités locales ou dans leurs hôpitaux, les parlementaires élus locaux souhaitent remplacer les seniors de 65 ans par des jeunes de 22 ans. D’abord pour une raison budgétaire. Dans la fonction publique notamment, les nouveaux embauchés sont beaucoup moins payés que ceux qui sont au maximum d’ancienneté. Et la retraite des partants étant payée par un pot commun, la double charge pour les contribuables (salaire du nouveau + retraite du partant) n’est pas ressentie au niveau du budget local. Ensuite parce que recruter des fonctionnaires localement est très favorable pour l’image de l’élu. Enfin, parce que la gestion humaine des fonctionnaires en fin de carrière est particulièrement délicate pour des employeurs qui ne disposent d’aucun moyen de sanction positive ou négative.

Les mêmes raisons ont poussé les ministres en place en 2008 et les directions des administrations publiques d’État, à ne pas accorder aux fonctionnaires et contractuels d’État le même droit qu’aux salariés du privé.

  1.  Un petit progrès
    Cette situation ayant dû finalement apparaître trop étrange, le gouvernement a décidé de passer de 65 à 67 ans l’âge maximum auquel les fonctionnaires et contractuels ont le droit de poursuivre leur carrière, et donc l’âge de mise en retraite d’office des fonctionnaires et contractuels. Un changement qui sera progressif de 2018 à 2022. Un système d’autorisations spéciales permettra à certains hauts fonctionnaires de continuer à travailler jusqu’à 70 ans.
  1. Passer à 70 ans
    Les fonctionnaires devront attendre 2022 pour avoir le droit de travailler jusqu’à 67 ans alors que le passage à 70 ans aurait dû être fait en 2008 comme pour le privé. Cette étape intermédiaire à 67 ans n’est pas justifiée. Aligner immédiatement le régime des fonctionnaires sur celui du privé
    [1] (70 ans) constitue une mesure de justice pour les fonctionnaires, un signal encourageant le recul de l’âge de retraite, une aide aux secteurs publics en pénurie de main d’œuvre (ex. professions de santé, enseignants scientifiques, informaticiens), et une source d’économie. Si chaque année, 10.000 fonctionnaires et contractuels reportent leur départ en retraite à 70 ans, à terme, un milliard d’euros de dépenses publiques seront évitées par an, et les employeurs publics conserveront plus de souplesse dans la réduction du nombre de leurs salariés.
Fonctionnaires sédentaires  : l’âge auquel vous êtes obligés de cesser vos fonctions, en fonction de votre date de naissance :
1950 1951 1952 1953 1954 1955
65 ans 65 ans

et 4 mois 
65 ans

et 9 mois
66 ans

et 2 mois
66 ans

et 7 mois
67 ans

Source :  https://www.cnracl.retraites.fr/actif/ma-future-retraite/quand-puis-je-p…

Conclusion

Le cas du docteur Marc, 72 ans, un médecin retraité, très heureux d’avoir été rappelé cet été pour renforcer les services hospitaliers d’urgence en Bretagne et en Occitanie, remet dans l’actualité ce sujet. Ce cas n’est pas unique, et un certain nombre de fonctionnaires, soit passionnés par leur travail, soit intéressés par un revenu d’activité supérieur à celui de leur retraite, soit les deux, doivent disposer des mêmes facilités que les salariés du privé, les artisans, les commerçants, les chefs exploitations agricoles et les travailleurs indépendants. Cela contraindra leurs employeurs à mettre en place une véritable politique de gestion de leurs ressources humaines. Au total, ce sera positif pour les fonctionnaires et pour le pays.

Note  : Le site du gouvernement, sous le titre «  L’employeur peut-il mettre d’office un salarié à la retraite ? », ne traite que du cas du secteur privé.


[1] Le cas des fonctionnaires en service actif et des militaires n’est pas traité ici