PRISE EN COMPTE DE LA PÉNIBILITÉ POUR LA RETRAITE : QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE LE PUBLIC ET LE PRIVÉ ?

Revue de Presse

Source : capital.fr (24 septembre 2019)

Dans le système actuel si votre activité est considérée comme “pénible”, vous pouvez partir plus tôt à la retraite. Mais les règles diffèrent entre le privé et le public. Demain, dans un régime universel, les conditions devraient être harmonisées.

Dans le futur régime universel, l’âge légal de départ à la retraite devrait resté fixé à 62 ans. Comme aujourd’hui, des dérogations devraient continuer d’exister pour partir plus tôt, notamment en cas d’emploi dit ‘pénible’. Ainsi, parmi les préconisations avancées par Jean-Paul Delevoye, haut-commissaire aux retraites, dans son rapport sur le futur régime universel en points figure l’extinction progressive des départs anticipés dans les trois versants du régime de la fonction publique : fonction publique d’État, hospitalière et collectivités territoriales. En contrepartie, il suggère d’étendre aux fonctionnaires le compte professionnel de prévention de la pénibilité (C2P) et le dispositif de retraite pour incapacité permanente, aujourd’hui réservé aux salariés du privé.

Pour comprendre les changements que cette mesure pourrait créer, voici la situation actuelle. Dans la fonction publique, la prise en compte de la pénibilité se fait au travers du système de classement des emplois. Les fonctionnaires exerçant un métier présentant un “risque particulier ou des fatigues exceptionnelles” sont classés en catégorie active. Selon une étude de la direction de la Retraite et des Solidarité de la Caisse des Dépôts, c’est la fonction publique hospitalière qui concentre le plus d’emplois en catégorie active (la moitié des effectifs) : infirmiers, aides-soignants … Viennent ensuite la fonction publique d’Etat avec les emplois régaliens (gardiens de la paix, commissaires de police, surveillants de prison …) puis de manière marginale avec 7 % des effectifs, les collectivités territoriales : pompiers professionnels, policiers municipaux, égoutiers … Le simple fait d’occuper ou d’avoir occupé un emploi de ce type permet de partir en retraite, dès 57 ans, à condition d’avoir accompli au moins 17 ans de services en catégorie active. Cet âge est même abaissé à 52 ans pour certains métiers dangereux, avec 27 ans de services actifs (policiers, surveillants de prison …).

Dans le privé, la prise en compte de la pénibilité se fait par le biais de deux dispositifs distincts. Le premier dispositif concerne les salariés qui souffrent d’une lésion consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail. Il leur permet de partir en retraite dès 60 ans, avec leur retraite de base et [complémentaires à taux plein, quelle que soit leur durée d’assurance. Ce dispositif est de droit pour les salariés souffrant d’une incapacité au moins égale à 20 %. Ceux dont le taux d’incapacité est compris entre 10 % et 20 % doivent en principe prouver qu’ils ont été exposés pendant au moins 17 ans à des facteurs de risques professionnels (travail de nuit, en 3X8 …) et qu’il existe un lien direct entre leur incapacité et leur exposition à ces risques, à moins que la maladie professionnelle dont ils souffrent figure sur une liste préétablie. Ce dispositif est peu utilisé : en 2018, 3.267 retraites avaient été attribuées au titre de l’incapacité permanente sur les quelques 666.000 retraites attribuées au cours de la même année.

Le second dispositif, plus récent, repose sur le compte de prévention de la pénibilité. Il permet aux salariés exposés à certains facteurs de risque (milieu hyperbare, températures extrêmes, bruit, travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif) d’acquérir des points qui seront inscrits sur leur compte. Ces points peuvent être ensuite transformés en majoration de durée d’assurance qui peuvent être utilisées pour partir plus tôt en retraite, dans la limite de 2 ans. Soit un départ possible à partir de 60 ans. Or selon l’Institut de la protection sociale, qui a publié, le 17 septembre, un rapport d’évaluation sur le rapport Delevoye “ce dispositif ne fonctionne pas ou fonctionne très mal, les professionnels reconnaissent ne plus faire les déclarations. Le système est trop complexe”. Le think-tank suggère plutôt de définir la pénibilité par métiers ! – à l’instar des emplois classés en catégorie active ? – et de l’étendre aux travailleurs non-salariés qui exercent les mêmes métiers … – comme les infirmières qui exercent en libéral ?