« Il y a une vraie demande pour le 100% télétravail » : travailler en pantoufles, ça vous tente ?

Revue de Presse

Source : lci.fr (1 2 décembre 2019)

INTERVIEW – Même hors période de grève, la demande de télétravail est de plus en plus présente chez les salariés. Bastien Giraud a lancé il y a un an Enpantoufles.com, le site qui recense les offres d’emploi en total télétravail. Il répond aux questions de LCI.

12 déc. 2019 12 : 51 – Sibylle Laurent

En ces temps de grève des transports, on n’a jamais autant parler du télétravail, que beaucoup d’entreprises déploient, parfois un peu contraintes. Mais travailler 100% en télétravail, c’est aussi le désir de certains salariés. Pour les aider, Bastien Giraud, développeur web, a lancé il y a un an le site Enpantoufles.com, le seul en France à répertorier toutes les offres d’emploi en ‘full-remote’. Il répond à nos question sur son site et ce mode d’organisation.

LCI : Comment, dans votre parcours, en êtes-vous arrivé à lancer ce site 100% télétravail ?

Bastien Giraud : Il y a quelques années, je travaillais dans une petite entreprise près d’Aix-en-Provence, dans laquelle je suis devenu directeur technique. Mais je suis originaire de Nîmes, et j’avais gardé toute ma vie là-bas. J’ai proposé à mon patron de commencer à travailler en télétravail, pour retourner vivre à Nîmes. Il a accepté. J’ai commencé par travailler dans l’entreprise deux fois par semaine et le reste chez moi, puis suis passé en ‘full-remote’. Je venais une journée par mois en entreprise. 

Au Etats-Unis, quelques sociétés commençaient à passer tous leurs salariés en télétravail, et avec mon patron, nous avons imaginé développer l’entreprise en n’embauchant que sous cette forme-là. Mais quand j’ai commencé  à regarder comment faire, je me suis rendu compte que c’était compliqué : les sites traditionnels d’offre d’emploi ne permettaient pas de filtrer cette option. En 2018,  j’ai quitté l’entreprise, j’ai regardé les offres, en sachant que je voulais rester en télétravail, et le problème était toujours présent. J’ai donc lancé ce projet. 

Beaucoup de demandes, encore peu d’offres

Le nom ‘En pantoufle’ ne véhicule-t-il pas des clichés sur le travail à domicile ? 

Il y a beaucoup de clichés collés au télétravail ! On regarde la télé, on reste en pyjama ou on garde les enfants. La plupart d’entre eux sont faux. Mais les pantoufles, c’est plutôt vrai : beaucoup de personnes que je rencontre ne travaillent pas forcément en chaussures, mais en tong ou en pantoufles. C’est amusant, et ce nom a été bien accueilli, les gens se le rappellent facilement.

Comment fonctionne le site ?

Le principe d’En pantoufles est celui d’un ‘job board’ traditionnel : les entreprises viennent poster leurs offres, les candidats leur CV. On se rend compte que sur le marché, il y a en fait peu d’offres d’emploi en 100% télétravail, c’est un concept encore jeune. On trouve surtout des développeurs, tout ce qui touche à l’informatique, des traducteurs, des télévendeurs,  des entreprises qui embauchent des commerciaux en 100% télétravail, pour développer l’activité sur un territoire. 

Vous notez cependant une vraie demande de la part des salariés ?

Quand les entreprises postent des offres sur les sites traditionnels, un des premiers commentaires des postulants est ‘est-ce que c’est accessible en full-remote ?’. Donc oui, je pense qu’il y a une vraie demande des employés. Cela peut faire bouger les lignes : dans les territoires où les entreprises peinent à trouver le profil recherché, c’est un vrai avantage de proposer cela pour séduire les talents. 

Être à 100% en télétravail, c’est un mode de vie différent, qui a ses avantages et ses inconvénients- Bastien Giraud, fondateur de Enpantoufles.com

Qu’est-ce qui est attirant pour un travailleur en full-remote ?

Si je prends mon cas, mon premier besoin était de retourner vivre là où j’avais ma vie sociale. Maintenant que j’y ai goûté, je ne reviendrais pas en arrière : le télétravail donne souvent beaucoup d’autonomie dans l’organisation du travail. Cela rend plus efficace. Personnellement, travailler en open-space n’est pas possible pour moi car je suis très vite distrait par le bruit. Et bien sûr, cela évite les trajets : j’économie au moins une heure sur ma journée. 

A l’inverse, quelles peuvent être les problématiques ?

Quand on est en ‘full-remote’, on n’a pas les mêmes problèmes que quand on fait du télétravail une fois par semaine. Et c’est sûr que ce mode de travail n’est pas fait pour tout le monde, certains le vivent mal. Mais à mon sens, c’est une question de nature : certaines personnes aiment être entourées, d’autres sont plus solitaires… L’isolement peut toucher des personnes qui dépendent beaucoup de leur travail pour avoir des relations sociales. Il faut compenser, il faut sortir, faire partie d’une association, rencontrer des gens, ne pas rester tout seul. 

Il y a aussi le risque de ne jamais déconnecter…

Oui. Même si cela touche aussi de plus en plus de personnes au bureau, c’est sans doute plus dur quand on travaille chez soi, car le poste de travail n’est qu’à quelques mètres. Je recommande d’avoir un petit rituel d’entrée et de sortie au travail, comme quand on va au bureau et qu’on prend sa voiture. Cela peut être bien d’avoir un espace de travail séparé et une petite routine. En fait, être à 100% en télétravail, c’est un mode de vie différent, et comme pour le travail en bureau, il a ses avantages et ses inconvénients.

Un modèle d’avenir ?

A votre sens, le télétravail à 100% peut-il devenir un modèle d’avenir pour les entreprises ?

Je ne pense pas que tout le monde pourra basculer. Mais c’est sûr, c’est une tendance qui gagne du terrain. Elle est sans doute poussée par la tendance des free-lance, qui se développe en parallèle. Car les entreprises sous-traitent de plus en plus à des free-lance, qui proposent souvent leurs services en télétravail. Les entreprises prend petit à petit l’habitude de collaborer avec des gens qui ne sont pas forcément dans leurs locaux. 

Quels sont les défis qui se posent aux entreprises en full-remote ? 

Une  entreprise centralisée et une autre en full-remote vont forcément avoir des organisations complètement différentes. Un des points importants pour le full-remote est ‘la communication asynchrone’, la communication qui ne se fait pas en même temps. Parce qu’il faut que les personnes puissent échanger pas forcément en temps réel. En général, cela se fait par écrit. C’est pour cela que de plus en plus d’entreprises utilisent des outils de gestion de projets et de discussion interne, comme Slack. Car quand on est en présentiel, on discute autour d’un café ou lors de réunions régulières. En décentralisé, il faut que chacun puisse avancer, travailler sur sa partie, et collaborer sans se sentir isolé.

L’importance de la culture d’entreprise

Comment, en effet, maintenir le lien avec l’entreprise ?

En mode décentralisé, la culture et la dynamique de l’entreprise sont encore plus importantes qu’en présentiel, car les gens vont se rassembler autour d’un projet, d’une cause. Il faut que cette culture soit bien marquée, sinon les salariés vont avoir l’impression d’avancer tout seuls dans leur coin. Pour l’aspect humain, les entreprises 100% télétravail organisent des retraites ou des week-ends avec toute l’équipe, pour créer cette cohésion, que les personnes se connaissent.