Le lancement commercial de la 5G vire au chemin de croix

Revue de Presse

Source : lesechos.fr (28 décembre 2020 )

C’est un cadeau de Noël dont Orange et SFR se seraient bien passés. L’association de consommateurs CLCV a assigné les deux opérateurs en justice pour pratiques commerciales trompeuses, estimant que « l’information précontractuelle délivrée aux consommateurs n’est pas satisfaisante » en ce qui concerne leur couverture effective.

Inutile de dire que cette plainte est critiquée. « C’est surréaliste, se désole Nicolas Guérin, le président de la Fédération française des télécoms (FFT). Nous expliquons depuis des mois que les déploiements seront progressifs. L’Arcep a fait des recommandations concernant l’information sur la couverture et les débits, qui sont suivies par les opérateurs. Nous savons que la DGCCRF sera très vigilante. Il y a un dialogue avec le régulateur, le gouvernement et les associations de consommateurs. Nous nous étions donné rendez-vous en janvier. Le choix d’aller devant les tribunaux est regrettable. S’il y a quelque chose à améliorer, nous l’améliorerons. »

Cacophonie

N’empêche que pour les entreprises des télécoms, c’est un front judiciaire supplémentaire à gérer – en plus de celui ouvert devant le Conseil d’Etat par un collectif d’associations, qui dénonce un lancement prématuré en l’absence d’évaluations sanitaires et environnementales spécifiques à la 5G. Sans compter le procès qui leur est fait par plusieurs centaines de particuliers au Tribunal judiciaire de Paris sur des motifs similaires. Dans le même temps, les grandes villes – Paris, Grenoble, Lille … – rechignent à laisser les opérateurs allumer leurs nouvelles antennes. Et un rapport du Haut Conseil pour le climat a relancé il y a quelques semaines le débat sur la facture environnementale des nouveaux réseaux mobiles.

L’année 2020 devait être celle du lancement en fanfare de la 5G. Après que la crise sanitaire a décalé de plusieurs mois les enchères et l’ouverture commerciale, c’est la cacophonie. Et les opérateurs, qui ont déboursé 2,8 milliards d’euros à l’automne, pour acquérir les fréquences 5G, ont de quoi grincer des dents. « Le débat est vif, comme il y a quelques années sur la 4G ou autrefois sur le mobile, l’ADSL ou la fibre. A chaque fois, c’est la même chose, on nous dit que l’arrivée d’une nouvelle technologie n’est pas utile, relativise Nicolas Guérin. Mais les usages finissent par s’imposer et personne ne souhaite revenir en arrière. Pour la 5G, les opérateurs doivent montrer ce que permet la technologie. Le client constatera par lui-même l’effet incomparable des débits de la 5G. Mais ce déploiement est progressif et encore une fois il n’y aucune obligation pour le consommateur qui peut rester en 3 ou 4G. »

Des services à inventer

Le scepticisme du grand public vis-à-vis de la 5G est logique, tant que les réseaux sont embryonnaires et que peu de services nécessitent les énormes débits apportés – un peu comme la 4G paraissait superflue tant que le streaming musical ou les appels vidéo depuis un smartphone n’étaient pas monnaie courante. Les apports de la technologie sont plus faciles à expliquer aux industriels  : très grande réactivité pour la robotique, réseaux dédiés pour des communications critiques, etc. Mais ces possibilités ne seront ouvertes que vers 2023, après d’importants travaux sur la partie amont des réseaux. En attendant, il faut vendre la 5G aux particuliers. Ce qui n’est pas simple. Pour l’heure, son seul apport réel aux consommateurs est… de ne pas saturer la 4G .

Les générations précédentes sont toutes passées par cette phase d’incrédulité. La seule nouveauté est la mise en cause environnementale – un angle d’attaque inédit, qui a motivé non seulement des plaintes en justice, mais aussi des blocages de la 5G dans plusieurs grandes villes. Sur la défensive, les opérateurs plaident que la consommation électrique des réseaux est restée stable ces quatre dernières années, alors même que le trafic a explosé. L’industrie assure aussi que le numérique est une solution face au défi climatique. « Les blocages se lèvent au fur et à mesure. A Paris, les 85 personnes tirées au sort pour la Convention citoyenne ont estimé à plus de 70 % que la 5G était un facteur de progrès ou d’innovation au bénéfice de tous. 20 % ont dit qu’il y avait une question environnementale ; et seulement 4 % un potentiel problème sanitaire, se félicite le président de la FFT. Ce type de débat serein est nécessaire et efficace. Nous avons bon espoir d’ouvrir nos services 5G dans la capitale en janvier ou février. Nous continuerons de jouer le jeu de la discussion, sans passer en force. » En espérant que 2021 soit plus apaisée que 2020.