Source : lesechos.fr (le 7 septembre 2015)
EXCLUSIF – Le rapport sur le droit du travail qui sera remis ce mercredi veut ouvrir considérablement le champ de la négociation collective.
Le président de la République l’a annoncé : le fait majoritaire va devoir aussi s’imposer dans les négociations entre employeurs et syndicats. C’est, sans surprise, une des propositions du rapport que l’ancien directeur général du Travail, Jean-Denis Combrexelle, doit remettre ce mercredi au Premier ministre et dont « Les Echos » ont eu connaissance. Mais la mesure, que le conseiller d’Etat veut généraliser « à compter de 2017 », ne résume pas, loin s’en faut, son contenu.
Manuel Valls, qui l’avait chargé de réfléchir sur des mesures permettant d’ « élargir la place de l’accord collectif dans notre droit du travail », ne va pas être déçu. C’est une profonde évolution du droit du travail que propose Jean-Denis Combrexelle. S’il ne donne pas toutes les clefs aux entreprises, comme l’a proposé l’Institut Montaigne , il suggère de réduire singulièrement la place de la loi dans notre édifice juridique social et de modifier en ce sens la Constitution « en inscrivant dans son préambule les principes de la négociation collective ».
La 26ème de ses propositions, au nombre de 44, est sans doute la plus osée. Le rapport forme le « projet à moyen terme, c’est-à-dire dans un délai maximal de quatre ans, d’une nouvelle architecture du Code du travail faisant le partage entre les dispositions impératives, le renvoi à la négociation collective et les dispositions supplétives en l’absence d’accord ».
Un dispositif centré sur les accords d’entreprises
Jean-Denis Combrexelle veut limiter le caractère impératif de la loi à quelques règles d’ordre public social (les 48 heures de durée maximale de travail par semaine en matière de temps de travail, le SMIC en matière de salaires). Une bonne partie de l’ordre public serait renvoyé au niveau des branches, dont il veut accélérer la concentration sur trois ans. Il leur reviendrait de définir l’ « ordre public conventionnel qui s’applique à l’ensemble des entreprises du secteur et qui est opposable, sous réserve de l’application du principe de faveur [d’être plus avantageux pour les salariés] , à l’ensemble des accords d’entreprises », dont la durée de validité serait limitée à 4 ans. Le dispositif préconisé serait donc centré sur ces derniers, qui s’appliqueraient en priorité, sous réserve, certes, de l’ordre public social législatif et conventionnel, mais dont le champ serait réduit.
A court terme, soit dès le « courant de l’année 2016 », seraient « cibl[és] les domaines sur lesquels, du point de vue social et économique, il y a une urgence à développer la négociation collective et à adapter, en conséquence, les dispositions du code du travail ». En l’occurrence, ce que Jean-Denis Combrexelle appelle les « quatre piliers de la négociation que sont le temps de travail, les salaires, l’emploi et les conditions de travail ».
Autre point clef : « Lorsque l’emploi est en cause et que l’accord vise à le protéger, le maintenir, le préserver et le développer, l’accord et l’intérêt collectif qu’il incarne priment sur l’intérêt individuel concrétisé par le contrat de travail », écrit Jean-Denis Combrexelle. Dans le cas où un salarié refuserait les conséquences de l’accord sur son contrat de travail, il ne propose pas de revenir sur le fait qu’il bénéficie d’un licenciement pour cause économique, mais prône des indemnités spécifiques de licenciement « moins attracti[ves] ». Seraient concernés les accords de mobilité, de GPEC et de maintien dans l’emploi.
Parmi les autres propositions, figurent des propositions très diverses. Côté Etat, il y a notamment la « limitation du nombre de réformes législatives du droit du travail en fixant un agenda social annuel et en le respectant » ou encore l’ « application du principe selon lequel toute disposition nouvelle du code du travail doit être gagée par l’abrogation d’une disposition devenue obsolète du même code ». Jean-Denis Combrexelle préconise l’ « encadrement dans le temps des conditions de recours judiciaire contre les accords collectifs avec application de règles inspirées du contentieux réglementaire » mais également de reconnaître aux services déconcentrés de l’Etat la capacité de « contester les accords collectifs d’entreprise (à l’exception des accords portant sur les PSE) devant le tribunal de grande instance ». Il suggère encore une « assimilation législative de l’accord de groupe aux accords d’entreprise ». Et évoque le lancement d’une expérimentation relative aux accords collectifs concernant les filières et les sous-traitants dans le cadre de la notion d’ « entreprise étendue », également évoquée par le DRH d’Orange, Bruno Mettling, dans un rapport qu’il doit remettre dans quelques jours à la nouvelle ministre du Travail, Myriam El Khomri .