Taxe télécoms : colère froide des opérateurs contre le gouvernement

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Source : lefigaro.fr (13 Septembre 2015)

Avant les élections, le gouvernement limite l’augmentation de la redevance à 1 euro pour passer à 137 euros. En revanche, il fait peser l’effort sur les opérateurs télécoms en leur prélevant une centaine de millions d’euros supplémentaires. Orange dénonce une « forme de mépris».

Tout ça pour ça. Après avoir agité de nombreuses pistes pour le financement de France Télévisions, L’Élysée a tranché. Au final, il n’y aura pas de réforme de la redevance, ni de rétablissement de la publicité après 20 heures. En revanche, le gouvernement reprend une vieille idée de Nicolas Sarkozy : mettre les opérateurs télécoms à contribution.

Dans une interview au JDD, Fleur Pellerin, la ministre de la Culture et de la Communication, a reconnu que toutes les pistes étudiées depuis un an pour réformer le mode de perception de la redevance n’ont abouti à rien. Pourtant, en octobre 2014 devant le CSA, François Hollande avait promis de moderniser la redevance. Mais à 18 mois des élections présidentielles, le gouvernement n’a pas osé élargir l’assiette de cette taxe aux box Internet, ce qui reviendrait à taxer les jeunes foyers n’ayant pas de téléviseur mais regardant la télé via Internet. La rue de Valois avait un projet alternatif : augmenter la redevance de 4 euros. Mais en cette période de baisse des impôts, cela était inenvisageable. La hausse sera donc limité à 1 euro pour porter la redevance à 137 euros. Cela résulte de l’indexation mécanique sur l’inflation.

Fleur Pellerin a également annoncé que la publicité après 20 heures ne serait pas rétablie sur les écrans de France Télévisons. Cette piste, évoquée par Michel Sapin, avait déclenché l’ire des patrons de médias privés. « J’ai à cœur de ne pas déstabiliser les autres médias en télévision radio ou presse écrite qui auraient été touchés par ce rétablissement de la publicité en soirée», a-t-elle justifié.

Puiser dans les poches des opérateurs télécoms
Pour trouver les 75 millions d’euros supplémentaires nécessaires au financement de l’audiovisuel public, le gouvernement a donc remis au goût du jour une vieille pratique puiser dans les poches profondes des opérateurs télécoms en augmentant la taxe Copé. La justification est simple. Soit on taxe les terminaux pour regarder la télé (Smartphones, tablettes), soit on taxe l’accès Internet (les box), soit enfin on remonte en amont dans la chaîne de valeur et on taxe les opérateurs télécoms. Dans les deux premiers cas, on mécontente les Francais. Dans le troisième cas, c’est indolore.

C’est l’idée qu’avait eu le gouvernement Fillon en 2009, lors de l’arrêt de la publicité après 20 heures sur France Télévisions. Pour compenser le manque à gagner financier, le gouvernement avait instauré une taxe, dite Copé, sur le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms. Cette taxe de 0,9 % rapporte 250 millions d’euros par an. Aujourd’hui, Fleur Pellerin propose de l’augmenter à 1,2 %, soit une hausse d’un tiers. Un mouvement qui devrait donc rapporter entre 75 et 80 millions d’euros supplémentaires.

« C’est une forme de mépris par rapport à notre secteur, à notre industrie».
Stéphane Richard, PDG d’Orange

Le PDG d’Orange Stéphane Richard, a dénoncé dimanche à l’AFP une « forme de mépris par rapport à notre secteur, à notre industrie. On considère qu’on peut bien payer ça en plus. Une fois de plus le secteur est pris pour une vache à lait».

Stéphane Richard a exprimé sa « surprise» sur les conditions de cette annonce « qui arrive comme ça un dimanche sans aucune concertation préalable», ainsi que sa « tristesse» de voir que « ce projet est en totale contradiction avec les engagements qui ont été donnés» par le président le la République qui avait indiqué il y a quelques mois qu’il n’y aurait « aucun prélèvement supplémentaire sur les opérateurs qui ne soit affecté à l’investissement dans le secteur des télécommunications».

Le PDG d’Orange explique que cette augmentation de 30% de cette taxe représente « une ponction supplémentaire de l’ordre de 100 millions d’euros pour une entreprise comme Orange». « C’est le montant qu’on pensait investir pour fibrer une ville comme Nantes», donne-t-il comme exemple.
Chez Free, on souligne que « la pause fiscale aura été de courte durée», en ajoutant qu’il « est naïf de penser que ce nouvel impôt ne soit pas in fine payé par le consommateur». Contacté par l’AFP Bouygues Telecom et SFR n’ont pas souhaité faire de commentaire.

80 millions d’euros pour Radio France et France Télévisions
Cette manne supplémentaire sera, selon la ministre « affectée de manière pérenne à l’audiovisuel public». Pour cela, le gouvernement va instaurer une disposition dans le projet de loi de finance 2016. « Depuis 2012, on s’emploie à réparer les errements d’une politique de gribouille menée par la majorité précédente», justifie Fleur Pellerin.

C’est un véritable tour de passe passe. En effet, depuis sa création en 2009, la taxe Copé n’est pas affectée. Elle va directement dans le budget général. Ensuite, l’État en redistribue le produit à France Télévisions. Mais il y a un an, le gouvernement a décidé de garder une partie puis, à partir de 2017, de garder l’intégralité des 250 millions d’euros de la taxe Copé. Aujourd’hui, nouveau revirement : Fleur Pellerin, annonce que le gouvernement va affecter, non pas la totalité, mais une partie seulement de cette taxe à l’audiovisuel public. Au final, l’État conservera 250 millions dans ses caisses et redistribuera 80 millions à Radio France et France Télévisions