La Sécurité sociale en 2045

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Source : lesechos.fr (29 septembre 2015)

Le 4 octobre sera célébré le 70e anniversaire de la Sécurité sociale, en particulier du régime général dont relève aujourd’hui 89 % de la population française (58,8 millions de personnes). Créée à l’aube des « Trente Glorieuses » dans un contexte de forte croissance économique et de plein-emploi, elle a constitué, avec ses quatre branches (famille, maladie, retraite et recouvrement), une des pierres angulaires du modèle social français. Mais le déficit du régime général a dépassé en 2014 les 13 milliards d’euros, tandis que la « dette sociale » s’élève à plus de 160 milliards.

L’heure n’est-elle pas venue de déposer le bilan, aucune des mesures d’ajustement adoptées n’ayant réussi à assurer son équilibre ? Toutes les dépenses sociales ont augmenté (elles représentent, en France, 32 % du PIB contre en moyenne 20 % dans l’OCDE) : notamment celles liées à l’emploi (près de 50 milliards) et aux politiques d’aide et d’action sociale. Nul ne conteste les valeurs inhérentes au « système » de protection sociale français. Mais, tel qu’il fut conçu en 1945 et a évolué depuis lors, il ne pourra plus fonctionner jusqu’en 2045. Le cadre national est trop étroit et les frontières trop poreuses ; une politique s’imposera pour établir un « socle universel de protection sociale » et a minima une réelle coordination européenne.

Après la diversification et la précarisation des structures familiales, la fin du salariat à temps plein et à vie, ainsi que l’évolution inéluctable des formes d’emplois exigeront de refonder la Sécurité sociale sur de nouvelles bases, notamment en termes de responsabilité individuelle et d’équité. Compte tenu des rigidités de la société française, trente ans ne seront pas de trop pour conférer à la Sécu centenaire une nouvelle jeunesse, y compris pour résoudre un problème commun à tous les systèmes d’assurances collectives : celui de la déchirure du voile d’ignorance si le « big data » permettait un jour, comme on l’affirme souvent, de tout savoir sur toutes les personnes et d’anticiper les risques que chacun encourt. D’ici là, la promotion du capital santé comme du capital compétences devra primer sur une politique de réparation aux coûts élevés et aux bénéfices incertains