Télécoms : le PDG d’Orange craint pour l’emploi si la fusion avec Bouygues Telecom échoue

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Source : latribune.fr (16 février 2016)

Lors des résultats annuels de l’opérateur historique, Stéphane Richard, son PDG, a de nouveau plaidé en faveur d’un mariage avec Bouygues Telecom. D’après lui, « il y a des risques sur le plan social » au niveau de toute la filière si le mariage avec Bouygues Telecom ne se fait pas.

Ces deux derniers trimestres, et comme en témoignent ses résultats annuels publiés ce mardi, Orange a retrouvé le chemin de la croissance. Cela faisait bien longtemps, depuis 2009 exactement, que le numéro un français des télécoms n’avait pas connu cela. Son PDG, Stéphane Richard, s’en est félicité en conférence de presse. Mais il s’est bien gardé de crier victoire. Au contraire. A ses yeux, la filière, qui durement souffert de l’arrivée de Free et de ses offres à prix cassé ces dernières années, ne pourra vraiment se relever que si le marché se concentre. Le PDG n’a d’ailleurs jamais caché qu’il ne croyait pas, aujourd’hui, à la viabilité d’un marché français à quatre acteurs.

Il a donc profité de la présentation des résultats pour, une fois encore, plaidé en faveur d’un mariage avec Bouygues Telecom. De fait, les discussions se poursuivent avec Numericable-SFR et Free -concernant le partage des actifs de la filiale de Martin Bouygues pour satisfaire l’Autorité de la concurrence – et avec l’Etat, le principal actionnaire de l’opérateur historique. Même s’il veut aller vite, le processus est « forcément complexe », a affirmé le PDG, précisant que « quelques semaines supplémentaires sont nécessaires pour prendre une décision ».

Une chance sur deux

Estimant « à 50% » les chances de succès du projet, le PDG s’est cette fois fendu d’un avertissement concernant un possible échec du deal. Et pas des moindres, puisqu’il a brandi une menace sur l’emploi :

« S’il n’y a pas de consolidation, oui, je considère en effet qu’il y a des risques pour l’ensemble de la filière, et notamment sur le plan social. Depuis deux ans, on a quand même eu pas mal de réductions d’effectifs, notamment chez Bouygues Telecom. Qui peut certifier qu’il n’y en aura pas d’autres à l’avenir ? »

En clair, selon lui, la consolidation est donc une réponse à « l’équation industrielle » à laquelle Orange et les autres acteurs sont confrontés :

« Je crois que si nous avons ces discussions aujourd’hui [liées à la consolidation, Ndlr], c’est qu’il y a une recherche de taille critique et de meilleure efficacité par rapport aux investissements considérables qu’on nous demande de faire, couplés aux niveaux de prix particulièrement bas qu’on a en France, et qu’on doit maintenir. »

« Personne ne doit être au bord de la route »

Cet avertissement intervient alors que l’impact sur l’emploi de ce mariage préoccupe logiquement les syndicats comme le gouvernement. Même si du côté d’Orange, Stéphane Richard dit vouloir depuis le début « une opération exemplaire » sur ce front. « Personne ne doit être au bord de la route », a-t-il de nouveau lâché mardi.

En agitant la possibilité à terme de nouvelle casse sociale si l’opération capote, le patron veut-il pousser les acteurs à mettre de l’eau dans leur vin concernant leurs desideratas ? Et notamment l’Etat ? De fait, celui-ci souhaite rester l’actionnaire de référence, alors que sa participation, de 23%, pourrait être amenée à baisser dans le cadre d’un deal. Selon Les Echos, celui-ci ne voudrait pas voir sa part descendre en-dessous de 21%, alors qu’Orange veut faire entrer Bouygues à son capital pour financer l’opération, sans toucher à ses deniers.

« Fin de la spirale baissière »

Pour Sylvain Chevallier, associé chez BearingPoint spécialiste des télécoms, Stéphane Richard a probablement voulu remettre « les choses en perspective ». Pour lui, un retour à trois opérateurs mettrait un point final à la spirale baissière des prix, favoriserait un retour à la croissance du secteur des télécoms, et par voie de conséquence, l’emploi. D’après Sylvain Chevallier, la filière n’a toujours pas retrouvé une situation normale, en témoignent, par exemple, les investissements consentis dans le déploiement de la 4G, que les opérateurs « n’ont pas pu valoriser ».

« Regardez le marché du mobile en France : lors des trois derniers trimestres de 2015, on s’est réjoui de la stabilisation de l’Arpu [le revenu moyen par abonné, Ndlr]. Cela montre que sur le marché, la spirale baissière s’est pour le moment arrêtée. Mais en parallèle, le nombre d’abonnés 4G a explosé [à près de 20 millions]. Ces clients ont d’une part accès à une nouvelle technologie, et d’autre part, ils consomment beaucoup plus de données qu’avant. Mais quel secteur développe une nouvelle technologie sans générer un seul euro de revenu supplémentaire ? », lâche-t-il.